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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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capitale anglaise approchait et le fleuve se trouvait si couvert de navires qu'il ne restait plus qu'un étroit canal à ceux qui le remontaient. Tout autour de la barge, c'était une forêt de mâts où le vent soufflait, bruissant dans les vergues et les haubans. La marée étant favorable, il parvint en peu d'heures au pied de la tour de Londres et trouva sans difficulté une voiture pour le conduire dans le quartier où il avait instruction de se rendre. Était-il toujours suivi ? Il ne pouvait plus compter sur sa vigilance, trop de détails incongrus, de visages inconnus et d'impressions nouvelles venaient la distraire.
    Berkeley Square se présentait comme une belle place rectangulaire entourée de demeures d'un style agréable quoiqu'un peu répétitif dans leur alignement. Ces bâtiments de brique n'avaient que deux ou trois étages et possédaient une espèce de sous-sol qu'occupaient des cuisines et des offices, autant qu'il put en juger par ce qu'il en devinait. Ces pièces basses prenaient jour sur un fossé de trois pieds de large qui séparait les maisons de la rue. Le trottoir était coupé de ce fossé par des grilles de fer. Il découvrit sans peine le numéro qu'il cherchait et souleva le marteau avec l'appréhension de se présenter dans une maison à la fois inconnue et étrangère. Après quelques instants, la porte s'ouvrit et une femme âgée l'accueillit. Elle était vêtue avec austérité : un fichu couvrait sa poitrine, elle portait une robe noire, et ses cheveux gris tirés étaient couverts d'une sorte de mantille. Nicolas eut l'impression de se trouver devant une manière de religieuse, image qu'accentuait encore un lourd trousseau de clefs accroché à sa ceinture. Cette sœur tourière le fixait de ses petits yeux perçants et enfoncés dans un visage replet. La bouche, petite et serrée, faisait contraste avec les plis du cou, retenus par un ruban orné d'un camée. Elle le considérait comme s'il s'était agi d'une espèce venimeuse avec laquelle la prudence était de mise. Le fait qu'il se présenta dans sa langue parut surprendre l'hôtesse qui grimaça un sourire.
    — Je dois, monsieur, vous poser une question.
    — Je vous écoute, madame.
    — Pouvez-vous me donner le nom de votre tailleur ?
    — Maître Vachon, répondit Nicolas qui ne s'attendait pas à cela.
    — Où se tient sa boutique ?
    — Rue Vieille-du-Temple, à Paris.
    — Depuis quand possède-t-il votre pratique ?
    — Depuis 1760, précisément.
    Nicolas aurait juré que tout cela était du Sartine bon teint. D'évidence, ces réponses rassuraient la femme dont le visage s'éclaircissait peu à peu. Elle esquissa une inclinaison du buste qui pouvait passer pour une révérence.
    — Madame Williams, pour vous servir. Veuillez prendre la peine de me suivre, je vais vous montrer votre appartement.
    Après avoir gravi un escalier feutré, elle l'introduisit dans une suite de trois pièces, comprenant un salon-bibliothèque, une alcôve et un cabinet de toilette. Il accepta la proposition d'un bain et demanda si ses habits pouvaient être brossés et repassés. Mme Williams saisit avec empressement ceux qu'il sortit du portemanteau. Quelques instants plus tard, un valet apparut, portant des brocs d'eau chaude. Il revint plusieurs fois et lui remit, à sa dernière visite, un pet-en-l'air 29 en cotonnade indienne. Avant de se retirer, la vieille femme lui indiqua que le thé lui serait servi et que la dame qu'il savait viendrait le visiter à six heures.
    Nicolas pénétra avec volupté dans une baignoire de cuivre. Les douleurs consécutives à sa chute dans la yole du Zéphir s'atténuèrent. Voilà, songea-t-il, ce que le marquis de Ranreuil, son père, devait appeler le confort . Il n'avait précédemment goûté à ce plaisir qu'en de brèves occasions, aux bains russes de la rue de Bellechasse ou dans les cabinets particuliers des « bois flottants » des bords de Seine, tous lieux étroitement surveillés par la police qui y pourchassait le libertinage. Il s'endormit dans la vapeur parfumée. Ce fut le refroidissement de l'eau qui le réveilla. Il se rasa et se coiffa. Il trouva dans sa chambre ses vêtements nettoyés et repassés. Ses bottes cirées reluisaient à la lueur d'un feu de charbon qui brûlait dans une sorte de coquille dans la cheminée. Il prit le temps d'admirer les murs revêtus de siamoise à motifs de pagodes, qui lui rappelèrent les tissus qu'offrait la boutique à la mode

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