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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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régler au douanier pour acquitter une taxe d'usage appelée « droit de vicomté ». Il s'engagea ensuite dans la cité pour trouver une auberge où se restaurer et dormir. La taille des enseignes de ces établissements le frappa, ainsi que l'exubérance des ornements dont elles étaient chargées. De toute part, les voyageurs affluaient. Ce n'est pas sans peine ni bousculade qu'il parvint à gagner – de haute lutte et à prix d'or – une méchante couchette dans une hôtellerie médiocre. Il ne put souper qu'en allant lui-même à l'office saisir sur la braise fumante des morceaux de bœuf. Rien d'autre n'était disponible, et toute l'occupation de l'aubergiste consistait à souffler sur le feu pour soutenir la combustion du charbon de terre à demi étouffé par la graisse des grillades et à substituer de nouvelles pièces à celles que les occupants de son établissement venaient lui arracher tour à tour.
    Sur le point de se coucher tout habillé, Nicolas quitta son manteau et remarqua à hauteur des cuisses, là où il s'était senti soulever par des mains meurtrières, des traces de doigts qui avaient laissé des marques blanches et grasses. À la lueur de sa chandelle, il les examina de plus près et les renifla ; il s'agissait de céruse. Aucun doute désormais, la veuve maquillée qu'il avait remarquée au moment de l'appareillage devait être un homme travesti et l'auteur de ce nouvel attentat. Il mesura avec effroi que ses poursuivants disposaient d'une meute efficace, que sa ruse avait fait long feu et que chacun de ses mouvements semblait anticipé par un ennemi invisible. Il aurait du mal à échapper aux mailles d'un filet qui ne cessait de se resserrer autour de lui.

    Samedi 15 et dimanche 16 janvier 1774
    Vers quatre heures du matin, un valet vint le réveiller en le secouant pour qu'il cède son lit à un nouvel arrivant qui piétinait en jurant à sa porte. Nicolas tint bon et ne déguerpit qu'à six heures. Son lever fut difficile, son dos le faisant souffrir. Catherine n'était pas là pour lui administrer un de ses remèdes de bonne femme, rapporté de son Alsace natale, qui vous remettait un homme ou un cheval en un rien. Il pensa à la rue Montmartre avec nostalgie et se demanda s'il s'agissait déjà du mal du pays.
    Une fois sorti de l'auberge, il s'inquiéta auprès d'un gamin qui sautillait autour de lui aux cris répétés de «  One schilling, sir !  » des possibilités de gagner Londres par les voies les plus rapides. Tandis qu'on lui saisissait son portemanteau, il apprit que vingt-huit lieues séparaient Douvres de Londres et que le meilleur parti consistait à prendre la malle-poste jusqu'au port de Gravesend, sur la Tamise, à partir duquel un service de bateaux remontait le fleuve. On le pressa aussi de réserver sa place sur l'une des voitures, car elles risquaient, vu l'affluence, d'être prises d'assaut. Il s'installa à côté du postillon ; il serait au grand air et verrait le paysage. Le temps s'annonçait froid, mais beau. Louer un cabriolet eût attiré l'attention ; il s'estimait plus en sécurité au milieu de passagers habituels.
    Sous le soleil, la campagne paraissait paisible et étonnamment verte par rapport à celle de France en cette période d'hiver. Il déjeuna à Canterbury. Il semblait que le bœuf fût le plat essentiel dont se nourrissait ce peuple. À Gravesend, il abandonna la malle. La marée étant à nouveau contraire et la remontée du fleuve impossible de nuit, il décida de prendre une chambre dans une auberge de brique jaune qui le surprit par sa propreté. Les planchers de bois lavés et cirés brillaient. La chambre qu'on lui proposa, petite mais coquette, possédait des meubles en bois d'acajou verni et des toiles récemment blanchies entouraient le lit. Le service, décent et discret, comprenait des jeunes gens des deux sexes qui s'agitaient en souriant. Il soupa d'un pâté en croûte au bœuf et aux rognons de porc dans une sauce épaisse qu'on lui précisa s'appeler steak and kidney pie . Il passa une nuit tranquille et, au petit matin, il s'embarquait sur une barge à destination de Londres.

    Le temps se maintenait et les bords du fleuve offraient des points de vue agréables et variés. De belles maisons surgissaient, sur le versant des collines, au milieu de jardins ornés. Il prit conscience que la Tamise était l'une des plus larges rivières d'Europe et que les plus grands vaisseaux y entraient avec facilité. La

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