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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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spécialisée dans le négoce des chinoiseries, rue du Roule, à Paris. L'acajou dominait partout. Il fut frappé par l'accumulation sur les murs de gravures encadrées, représentant des scènes champêtres et des combats navals. Habillé de frais, il découvrit enfin dans le salon, disposés sur une petite table à jeu, un pot de thé, du beurre, du pain et plusieurs jattes de confitures. Le pain lui procura une sensation nouvelle ; il n'en avait jamais mangé de semblable. Il le trouva délicat, blanc, mollet, la mie fine, mais peu goûteux et sans croûte. Six heures sonnèrent à la pendule de la cheminée, du bruit se fit entendre venant de l'escalier. La visiteuse s'annonçait. Ses pas précipités, remarqua Nicolas, avaient pourtant peu de chance d'appartenir au beau sexe. Ils frappaient, secs et lourds et la fois, le parquet du palier qui craquait. La porte s'ouvrit sans avoir été ni grattée ni frappée. Une petite tour de tissus fit irruption dans la salle et minauda d'une voix de rogomme :
    — Charles, Geneviève, Louis, Auguste, André, Timothée de Beaumont, demoiselle d'Éon souhaiterait s'entretenir avec le marquis de Ranreuil.
    Nicolas trouva incongrue cette entrée en matière à la troisième personne et avec cette énumération ambiguë de prénoms. Il ne savait trop comment se conduire vis-à-vis de cette beauté androgyne sur le retour. Encore eût-il fallu en discerner les contours et les traits, ce que ne permettait pas l'accumulation d'artifices qui dénaturait Éon. Elle se laissa tomber dans une bergère sans attendre une réponse et frappa avec force ses falbalas de ses deux mains gantées de filoselle, afin de les dégonfler. Elle portait une robe grise à grandes manches de Valenciennes avec un corsage remonté jusqu'à un cou épais entouré d'un large ruban noir. Nicolas nota la tache rouge de la croix de Saint-Louis, qui signalait les brillants états de services du soldat sous les ordres du maréchal de Broglie. Le visage, maquillé à l'excès, rappela au commissaire ceux des comédiens avant l'entrée en scène, quand leurs traits soulignés se grossissaient démesurément, surmonté d'une coiffe de dentelles tuyautées. L'être s'agita, trouva sa place, allongea les jambes et laissa apparaître dans le désordre de sa toilette, les bottes de l'officier de dragon qu'il n'avait jamais cessé d'être.
    — Prendrez-vous du thé ? demanda Nicolas.
    — Du tout. Un breuvage plus fort me conviendrait mieux, mais ce n'est ni l'heure, ni le moment. Pour parler net, nous sommes, vous et moi, au fait d'un certain nombre d'affaires dont il me paraît inutile de vous rebattre les oreilles. J'irai donc droit à l'essentiel. On me dit vous en avoir expliqué les prémices.
    — Je vous le confirme. M. de Sartine ne m'a celé aucun des éléments.
    — Deux motifs graves justifient votre mission à Londres. Le premier, qui exige des mesures urgentes, consiste à tout faire pour sauver quelques malheureux incapables dirigés par un imbécile, tombés dans les chausse-trappes de nos amis anglais. On a laissé entendre que vous déteniez les pouvoirs d'un plénipotentiaire. À vous d'être convaincant, sinon convaincu, et, surtout, plus habile que les habiles...
    Il ricana sur un ton fort haut et forcé.
    — Vous aurez affaire à forte partie. J'ai joué mon jeu pour vous. Ce ne fut pas facile, je puis vous l'assurer. Un représentant de Whitehall doit vous rencontrer ce soir dans un lieu que j'ignore. Un fiacre vous prendra au neuvième coup de relevée. Prenez garde, je fréquente ces gens-là depuis des années : ils sont retors et prompts à la manœuvre. Le moyen de lutter contre tant de mérites !
    Il poursuivit longuement sur ce thème, traînant une conversation lourde et fatigante, qui ne se relevait que par accès de sarcasmes durs et de mauvais goût.
    — Bref, conclut le chevalier, ils observeront à votre égard la plus exacte et froide courtoisie et dissimuleront leurs arrière-pensées. Nos gens – enfin, ces gredins envoyés par Aiguillon – sont retenus au commissariat de Bow Street sous la double vigilance de la justice et de ses aides policières ainsi que de la plus vile populace. Celle-ci ne serait que trop encline à faire un mauvais parti à des Français dans la complète indifférence des autres. Sont enfermés en ce lieu ce capitaine Béranger, deux exempts et quatre archers. Et c'est là que je dois vous parler de Morande.
    — Vous le connaissez

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