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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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    L'or fut empoché avec une espèce d'avidité. Les deux policiers prirent congé de la commission et remontèrent dans leur fiacre. La foule amassée à l'entrée du Pont-Royal s'écarta en grondant sur leur passage. Une femme s'élança, monta sur le marchepied et s'accrocha ; sa figure grimaçante et édentée s'encadra derrière la glace.
    — Affameurs ! cria-t-elle. Les trésors appartiennent au peuple !
    Elle cracha et sauta, évitant avec adresse un coup de fouet du cocher.
    — Quelle mouche l'a piquée ? s'exclama Nicolas.
    — Le peuple voit toujours le mal où il n'est pas, répondit l'inspecteur. Ils nous ont vus récupérer quelque chose dans le fleuve. Les langues vont bon train.
    — Il y a de la haine dans l'air, ces temps-ci.
    — Oh ! dit Bourdeau avec ironie, le peuple est haineux depuis trop de siècles.
    Il allait poursuivre quand il se ravisa. Ce n'était pas la première fois que Nicolas observait chez son adjoint ces bouffées d'amertume. Certes, l'humilité de ses origines, le destin tragique d'un père sacrifié aux plaisirs royaux (il avait été blessé à mort par un sanglier au cours d'une chasse) et l'existence d'un sentiment diffus, mélange mal défini de critiques, d'acrimonie et de sympathie avec les intérêts des plus pauvres, pouvaient expliquer l'attitude de Bourdeau. On sentait chez lui comme une violence retenue qui exploserait sans doute un jour.
    — Existe-t-il une raison particulière de nous traiter d'affameurs ? demanda Nicolas.
    — Vous n'ignorez pas les rumeurs selon lesquelles le roi arrondirait sa cassette en spéculant sur les grains ?
    Nicolas se souvint des inquiétudes exprimées à ce propos par M e  Vachon, son tailleur.
    — Ne me dites pas que vous accordez crédit à de telles infamies ?
    Bourdeau hocha la tête, comme s'il plaignait la candeur du commissaire.
    — Je n'accorde rien, j'obéis et j'agis. Vous n'avez pas lu l' Almanach Royal pour 1774 ?
    — Je ne les lis jamais, répondit Nicolas. Je les consulte pour chercher un nom, une fonction ou une adresse.
    — D'autres le font pour vous. Et vous auriez eu la surprise de découvrir, page 553, la mention d'un certain Demirvalaud, trésorier des grains au compte du roi .
    — Où est le mal ? fit Nicolas agacé. Ce doit être une charge de finances. Dieu sait si nous les avons multipliées !
    — De finances ! Assurément. Vous mettez le doigt sur la plaie. Charge ou pas, chacun a lu la nouvelle à sa façon, et celle-ci a fusé comme une mèche en tous sens et à tous les étages de la société. Le royaume s'esclaffe. On en fait des gorges chaudes d'autant plus...
    — D'autant plus ?
    — ... qu'ordre a été donné de saisir les exemplaires encore en vente, de mettre l'imprimeur à l'amende et de fermer son atelier jusqu'à plus ample informé. Il reste, de ces maladresses accumulées, la certitude que la mention a été incorporée par malice, qu'elle visait à accuser, que le peuple s'en persuade et que l'Almanach 1774 devenu une pièce rare est désormais recherché par les collectionneurs qui se l'arrachent à un prix multiplié par cent depuis sa saisie. D'ailleurs, la chose se chante déjà :
    Ce qu'on disait tout bas est aujourd'hui public
    Des présents de Cérès le maître fait trafic
    Et le bon roi loin qu'il s'en cache
    Pour que tout le monde le sache
    Par son grand Almanach en passant nous apprend
    Et l'adresse et le nom de son heureux agent.
    Voilà pourquoi, monsieur le commissaire, les gens du roi que nous sommes ont l'avantage et le privilège d'être ainsi traités par le bon peuple.
    Pensif, Nicolas caressait le coffret d'étain, fort lourd en dépit de son petit format. Jeté du haut du pont, il avait dû choir comme une masse. Qu'avait-il heurté pour s'ouvrir et laisser échapper son contenu ? Sans doute une pierre du lit du fleuve. Comme souvent, Bourdeau suivait sa réflexion et parvenait en même temps que lui à la même conclusion ou à la même perplexité.
    — Un coffre à bijoux, selon vous ? Mais où sont-ils ?
    — Il me semble en avoir vu en vrac dans la chambre de Julie, lors de notre perquisition. Je vous les avais fait remarquer sur la commode.
    — Cela me revient. Qu'en déduisez-vous ?
    — Que ce coffret contenait autre chose. Que cette chose y avait été placée dans l'unique but de me compromettre une nouvelle fois, puisque je l'avais précipitée dans le fleuve. Que

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