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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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bonne demi-douzaine de mouches !
    — En vérité, leur café n'est pas mauvais et ils le font livrer par des garçons munis de cabarets portatifs dans tout Paris.
    — Je ne m'y suis pas mis, dit Nicolas. Quand je suis arrivé à Paris, la « bavaroise » était très demandée. Il y avait des porteurs également.
    — Vous n'aviez pas oublié notre rendez-vous au Pont-Royal, je l'espère ? demanda Bourdeau. Si l'expérience est couronnée de succès, qu'allons-nous découvrir ?
    — Nous verrons bien, dit Nicolas. En réalité, la saison ne se prête guère à ce type d'immersion. Et avec tout ce que la ville déverse dans le fleuve, il n'y a guère que quelques moments de l'été où l'eau paraît un peu plus claire qu'à l'accoutumée. En janvier, qu'attendre de la fange, de la boue et de la neige qui, sans compter le courant, troublent les eaux à un point extrême ?
    — Je plains l'inventeur qui aura le plaisir de se plonger dans l'eau glacée et je crains qu'il ne se tire hors du pair 51 , approuva Bourdeau. En tout état de cause, j'ai pris des dispositions pour lui porter secours et pour éviter la curiosité des passants, que tempérera la présence de nos gens.

    Quand leur voiture traversa le Pont-Royal, le soleil revenu éclairait par intermittences le quai des Tuileries. Sur l'autre rive, dans l'ombre, dansaient au gré des remous, des barges et des bateaux desquels des portefaix déchargeaient le bois et les matériaux de construction réclamés en abondance par les chantiers d'un Faubourg Saint-Germain en plein essor. Au-delà du pont, les hautes façades blondes des hôtels de Mailly et de Belle-Isle s'élevaient sur les quais d'Orsay et des Théatins. Une petite foule tenue à l'écart s'agitait à l'entrée de la rue de Beaune. Des voitures en files attendaient près d'un groupe d'officiels qui tapaient des pieds pour se réchauffer en haut de l'escalier descendant du pont vers le fleuve. Une chaîne de barques ancrées en demi-cercle déterminait un espace réduit réservé à l'expérimentation. Le guet les laissa passer. Un homme, jeune encore, en manteau de tournure militaire tendit à Nicolas une main chaleureuse.
    — Il n'y a pas à s'y tromper, vous êtes le commissaire Le Floch. Je me présente, chevalier de Borda, lieutenant de vaisseau, membre des Académies royales des Sciences et de la Marine. Je suis ici avec mes confrères.
    Il désigna un par un, et semblait-il en respectant un protocole d'âge et de fonctions, M. Leroy, de la Société royale de Londres et de la Société philosophique de Philadelphie, M. Petit, professeur d'anatomie et inspecteur des hôpitaux militaires, puis un abbé à la figure enfantine, frileusement emmitouflé dans une pelisse de loutre.
    — M. l'abbé Bossut, examinateur des Ingénieurs. Nous constituons la commission spéciale de l'Académie des Sciences en vue de mesurer l'intérêt d'une nouvelle invention. M. de Sartine nous a priés de joindre l'utile à la science et de prêter notre concours aux recherches exigées par une enquête criminelle. Nous y déférons avec plaisir.
    — Nous en savons gré à votre savante compagnie, dit Nicolas. Puis-je, à mon tour, vous présenter l'inspecteur Bourdeau, mon adjoint ? Une petite question, toutefois : vous paraissez me connaître. Nous sommes-nous rencontrés quelque part auparavant ?
    — J'ai eu l'honneur, dit M. de Borda en portant la main à son tricorne, de servir avec M. le marquis de Ranreuil, votre père, durant la guerre de Sept Ans. Les marins se battent parfois à terre. Vous lui ressemblez fort, j'ai cru le revoir. C'était un soldat et un sage...
    Nicolas frémit d'émotion à cette évocation. Que chacun connaisse son histoire personnelle le surprenait toujours, mais la Cour et la ville ne gardaient pas longtemps le moindre secret et tout s'apprenait, pourvu que l'objet de la curiosité générale occupe une situation dans la société et conduise ainsi chacun à s'interroger sur son cas. Pour combien de temps encore, songea-t-il, vous jugerait-on sur vos origines et sur votre naissance ?
    Près du parapet, en chemise grossière et culotte de calemande, une peau de mouton sur les épaules, un homme au visage de paysan, qui rappela à Nicolas les rudes pêcheurs de sa Bretagne natale, attendait, la mine fermée et les yeux fureteurs, que les « messieurs » se décident. Un valet, tout aussi fruste que son maître, préparait un étrange accoutrement dont on ne

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