L'âme de la France
des émeutes paysannes sans états d'âme – déclare qu'il ne veut pas être « le roi de la Jacquerie ».
Ce ne sont pas ces mots-là que retiendra la légende, mais le retour, le 8 juillet 1815, après la défaite des armées françaises, de Louis XVIII, la trahison de Talleyrand et de Fouché, nommés par le roi l'un à la tête du ministère, l'autre à celle de la police.
La nation retient la Terreur blanche qui se déchaîne contre les bonapartistes et les jacobins, les exécutions de généraux qui ont rejoint Napoléon à son retour de l'île d'Elbe, l'élection d'une Chambre « introuvable » composée d'ultraroyalistes, et la conclusion, le 26 septembre, au nom de la sainte Trinité, d'une Sainte-Alliance des souverains d'Autriche, de Prusse et de Russie pour étouffer tout mouvement révolutionnaire en Europe.
La France, qui subit cette réaction, est fascinée par la déportation de Napoléon – il arrive à Sainte-Hélène le 16 octobre 1815.
Elle pleurera sa mort le 5 mai 1821.
Elle lira avec passion le Mémorial de Sainte-Hélène et, en 1840, elle célébrera le retour de ses cendres.
En 1848, elle élira comme président de la République Louis Napoléon Bonaparte, auteur d'un essai sur L'Extinction du paupérisme , et bientôt du coup d'État du 2 décembre 1851.
Brève – quinze ans –, la séquence napoléonienne s'inscrit ainsi de manière contradictoire dans la longue durée de l'âme et de la politique françaises.
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L'ÉCHO DE LA RÉVOLUTION
1815-1848
46.
Quel régime pour la France ?
Cette nation qui, en 1792, a déchiré le pacte millénaire qui en faisait une monarchie de droit divin réussira-t-elle, maintenant que l'« Usurpateur » n'est plus que le prisonnier d'une île des antipodes où tous les souverains d'Europe sont décidés à le laisser mourir, à renouer le fil de son histoire après un quart de siècle – 1789-1814 – de révolutions, de terreurs et de guerres ?
Ou bien le pouvoir n'apparaîtra-t-il légitime qu'à une partie seulement de la nation, et la France continuera-t-elle d'osciller d'un régime à l'autre, incapable de trouver la stabilité institutionnelle et la paix civile ?
C'est l'enjeu des trente-trois années qui vont de 1815 à 1848, longue hésitation comprise entre le bloc révolutionnaire et impérial et la domination politique de Louis Napoléon Bonaparte qui va durer vingt-deux ans, de 1848 à 1870.
C'est comme si, de 1815 à 1848, des répliques – en 1830, en 1848 – du grand tremblement de terre révolutionnaire venaient périodiquement saper les régimes successifs, qu'il s'agisse de la restauration monarchique – drapeau blanc et Terreur blanche, fleur de lys et règne des frères de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, renversée en juillet 1830 – ou bien de la monarchie bourgeoise – drapeau tricolore et roi citoyen, Louis-Philippe d'Orléans, fils de régicide, combattant de Jemmapes, balayé lui aussi par une révolution, en février 1848, donnant naissance à une fugace deuxième République qui choisit pour président un Louis Napoléon Bonaparte élu au suffrage universel !
Parmi les élites de cette France de la Restauration, puis de la monarchie orléaniste dite de Juillet, il existe des « doctrinaires » libéraux.
Après les « dérapages » révolutionnaires et la dictature impériale, ils voudraient voir naître une France pacifique et sage gouvernée par une monarchie constitutionnelle, retrouvant ainsi les projets des années 1790-1791.
Ces hommes – Benjamin Constant, François Guizot… – sont actifs, influents ; ils seront même au pouvoir aux côtés de Louis-Philippe d'Orléans.
Comme Constant, ils affirment : « Le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées, et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances... Par liberté, j'entends le triomphe de l'individualité tant sur l'autorité qui voudrait gouverner par le despotisme que sur les masses qui réclament le droit d'asservir la minorité à la majorité » (1819).
Guizot inspire les lois de 1819 sur la presse, qui précisent dans leur préambule que « la liberté de presse, c'est la liberté des opinions et la publication des opinions. Une opinion quelle qu'elle soit ne devient pas criminelle en devenant publique. »
Les journaux peuvent désormais paraître sans autorisation préalable. Les jurys d'assises sont seuls juges des
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