L'âme de la France
maréchal de Mac-Mahon et du duc de Broglie.
« Depuis la victoire [de 1918], dit Pétain, l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu'on n'a servi. On a voulu épargner l'effort. On rencontre aujourd'hui le malheur. »
Le malheur s'est avancé à petits pas sournois.
« Drôle de guerre » entre septembre et mai 1940.
On ne tente rien, ou presque – une offensive en direction de la Sarre, vite interrompue – pour secourir les Polonais broyés dès le début du mois d'octobre.
Et Hitler, le 6 de ce mois, lance un appel à la paix qui trouble et rassure.
Peut-être n'est-ce là qu'un simulacre de guerre ?
Les Allemands ont obtenu ce qu'ils voulaient ; pourquoi pas une paix honorable ?
Ce qu'il reste de communistes prêche pour elle, contre la guerre conduite par la France impérialiste. Ils ne dénoncent plus l'Allemagne. On les emprisonne, ces martyrs de la paix, et leur secrétaire général, Thorez, a déserté et gagné Moscou !
D'une certaine manière, et bien qu'ils ne soient qu'une minorité, leur propagande renoue avec le vieux fonds pacifiste, antimilitariste, qui travaille une partie du peuple français.
On s'arrange donc de cette « drôle de guerre » sans grande bataille offensive, ponctuée seulement d'« activités de patrouille ». Les élites cherchent tant bien que mal à sortir d'un conflit qu'elles n'ont pas voulu.
Quand les Soviétiques agressent – en novembre – la Finlande, on s'enflamme pour l'héroïsme de ce petit pays dont la résistance est aussi soutenue par... l'Allemagne. On rêve à un renversement d'alliance, à attaquer l'URSS par le sud, à prendre Bakou.
L'idée d'une paix avec Hitler fait son chemin et prolonge la politique d'apaisement de 1938.
Comment, dans ces conditions, le peuple et les troupes seraient-ils préparés à une « vraie » guerre ?
Qui lit, parmi les 80 personnalités auxquelles il l'adresse, le mémorandum du général de Gaulle intitulé L'Avènement de la force mécanique , dans lequel il écrit : « Cette guerre est perdue, il faut donc en préparer une autre avec la machine » ?
On se réveille en plein cauchemar le 10 mai 1940.
La pointe de l'offensive allemande est dans les Ardennes, réputées infranchissables, et Pétain avait approuvé qu'on ne prolongeât pas la ligne Maginot dans ce massif forestier : la Meuse et lui ne constituaient-ils pas des obstacles naturels bien suffisants ?
Symboliquement, c'est autour de Sedan, comme en 1870, que se joue le sort de la guerre.
Les troupes françaises entrées en Belgique sont tournées.
Il suffit d'une bataille de cinq jours pour que le front soit rompu. À Dunkerque, trois cent mille hommes sont encerclés et évacués par la flotte britannique qui sauve d'abord ses propres soldats.
En six semaines, l'armée française n'existe plus.
Le 14 juin, les Allemands entrent dans Paris.
L'exode de millions de Français – mitraillés – encombre toutes les routes.
Un pays s'effondre.
Le 16 juin, Paul Reynaud, qui a succédé en mars comme président du Conseil à Daladier – et qui a nommé de Gaulle, le 5 juin, sous-secrétaire d'État à la Guerre –, démissionne, remplacé par Philippe Pétain. Le général Weygand, généralissime, a accrédité la rumeur selon laquelle une Commune communiste aurait pris le pouvoir à Paris. La révolution menace. Il faut donc arrêter la guerre.
Le 17 juin, sans avoir négocié aucune condition de reddition et d'armistice, Pétain, s'adresse au pays :
« C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte, dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. »
Des centaines de milliers de soldats se battaient encore.
Cent trente mille étaient déjà tombés dans cette guerre où les actes d'héroïsme se sont multipliés dès lors que les officiers menaient leurs troupes à la bataille.
Mais le discours de Pétain paralyse les combattants. Pourquoi mourir puisque l'homme de Verdun appelle à déposer les armes alors que l'armistice n'est même pas signé ?
De Gaulle, qui a déjà jugé que la prise du pouvoir par Pétain « est le pronunciamiento de la panique », s'insurge contre cette trahison.
La France dispose d'un empire colonial, lance-t-il. La France a perdu une bataille, mais
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