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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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peuple même qui vous a tant aimé commence à perdre l'amitié, la confiance et même le respect. Vos victoires et vos conquêtes ne le réjouissent plus, il est plein d'aigreur et de désespoir. La sédition s'allume un peu de toutes parts... Voilà, Sire, l'état où vous êtes. Vous vivez comme ayant un bandeau fatal sur les yeux. »

    On est loin des louanges de Racine et de Boileau !
    En 1709, la misère empoigne tout le royaume. Nicolas Desmarets, contrôleur général, note la « mauvaise disposition des esprits et des peuples ».
    Il souligne que des mouvements de révolte ont lieu ici et là dans les provinces où la hausse du prix du blé – consécutive à de mauvaises récoltes – provoque la disette, la famine ; et où les fermiers généraux ne réussissent plus à lever l'impôt et n'ont plus aucun crédit : ne parvenant plus à emprunter, ils ne prêtent plus et n'avancent plus le montant des impôts.

    La dégradation de la situation (levée forcée de soldats, misère, etc.) conduit à cette montée des critiques.
    On mesure ainsi qu'en dépit des renforcements continus de l'absolutisme, du développement de la coercition, de la réglementation, de la centralisation, du culte du roi, l'âme de la France est encore capable de se rebiffer.
    Sous la chape de l'absolutisme, le pays – du peuple aux aristocrates – conteste ce mode de gouvernement, et les oppositions se raniment aussitôt. On n'accepte et subit l'absolutisme que parce que l'État exerce avec violence son autorité, mais cela ne vaut que si sa politique est favorable aux intérêts de la nation et à la prospérité de son peuple.
    Que les résultats soient mauvais, que l'inégalité s'aggrave, et l'esprit de critique et de sédition reparaît. Contre l'absolutisme, on dresse le souvenir des états généraux, du gouvernement des princes, de l'aristocratie, des cours souveraines.
    Le roi se retrouve ainsi isolé. Et il n'a pour toute ressource que de faire appel au « patriotisme » de la nation afin qu'elle se rassemble autour de lui, non plus dans un mouvement imposé par la répression, les édits, mais dans un mouvement d'adhésion nationale.

    C'est ainsi que, le 12 juin 1709, dans l'abîme qu'est cet hiver de glace et de misère, de défaites et de doutes, Louis XIV adresse un Appel à ses évêques et à ses gouverneurs afin qu'ils le diffusent dans toutes les paroisses du royaume.
    Louis XIV se dépouille de son autorité de souverain absolu.
    Il ne dit plus : « Tel est mon bon plaisir. » En s'adressant à ses sujets, en leur expliquant les raisons de ses choix politiques, il les élève à la dignité d'interlocuteurs habilités à comprendre, à approuver, et donc aussi à discuter et à contester.
    Louis XIV explique pourquoi il n'a pas pu conclure la paix : « Quoique ma tendresse pour mes peuples ne soit pas moins vive que celle que j'ai pour mes propres enfants, quoique je partage tous les maux que la guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles, et que j'aie fait voir à toute l'Europe que je désirais sincèrement de les faire jouir de la paix, je suis persuadé qu'ils s'opposeraient eux-mêmes à la recevoir à des conditions également contraires à la justice et à l'honneur du nom français. »

    L'intérêt dynastique devient là, simplement, le visage de l'intérêt national, la gloire et l'honneur du roi ne sont que l'expression de la « justice et de l'honneur du nom français ».
    Face à l'échec de la politique de Louis XIV, cet appel royal, au cœur de la détresse qui frappe le royaume, exprime la force et la réalité de la conscience nationale. Mais cet appel confirme dans l'âme française que le roi n'est un souverain pleinement légitime que par la politique qu'il mène, et qu'en dernier ressort c'est le peuple qui l'adoube, qui lui accorde le second sacre déterminant la valeur du premier.
    La contestation de l'absolutisme, l'importance du peuple, la permanence des « ordres » traditionnels du royaume, refont ainsi irruption au bout de près d'un demi-siècle – depuis 1661 – de monarchie absolutiste.

    L'appel de Louis XIV au patriotisme est entendu.
    La foule attend devant les imprimeries le texte du roi.
    On l'approuve de ne pas avoir accepté de contribuer par les armes, comme le demandaient les puissances en guerre, à chasser son propre petit-fils, Philippe V, du trône d'Espagne.
    Le maréchal de Villars lit l'appel aux troupes, qui l'acclament. Et le

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