L'amour à Versailles
prostituées de la capitale soient emprisonnées. Rapidement les prisons sont pleines à craquer et il faut attendre Louis XVI pour que le problème de la prostitution soit réglé, c’est-à-dire toléré : des quartiers spécifiques leur sont réservés. A Versailles, il s’agit de la « Petite Place », où l’on trouve en 1860 une quinzaine de maisons closes, de trois classes, comme pour le train, correspondant à trois niveaux de confort et de service.
Mais l’histoire de Versailles et de la prostitution ne s’arrête pas là. On raconte qu’un soir de 1812, Napoléon, alors qu’il sortait dans les jardins du Grand Trianon pour réfléchir aux grands événements à venir, dans l’air humide et doux du soir tombant, fut tiré de sa rêverie militaire par une voix gouailleuse, lui promettant la conquête de toutes ses parties intimes, moyennant un napoléon ou deux. Voilà l’empereur racolé par une femme de petite vertu au beau milieu de ses jardins. Le pire est qu’elle n’est pas toute seule ! Napoléon demande une enquête et apprend qu’un dénommé Liard, taupier de son état, traque la vermine et les rongeurs, mais recèle aussi quelques souris chez lui qu’il vend à prix modique à la garnison voisine. L'homme, à plus de soixante-dix ans, a transformé son logis en cabaret pour divertir les Grognards fatigués. Certaines s’échappent dans les jardinspour prendre le frais et ramener un client : celui-ci a bien manqué être impérial. Si Liard se fit tirer l’oreille, ce ne fut pas en signe de fierté : il fut chassé et l’établissement fermé sur-le-champ. Le taupier n’est pas le seul employé de Versailles à avoir fait de sa demeure un trébuchet à la petite semaine. Je me souviens notamment d’un scandale dans les années 1970, lorsqu’il fut découvert qu’un responsable des gardes prostituait sa femme dans les jardins.
Et aujourd'hui ? Eh bien, Versailles est une ville on ne peut plus honnête, dont la dernière prostituée, qui officiait sur la route de Satory, a « pris sa retraite » dans les années 1990, tandis qu’à quelques kilomètres de là des établissements aux noms évocateurs préservent deux institutions bien versaillaises, l’aristocratie et la prostitution : moyennant finances, le client peut s’offrir les charmes bien contemporains d’une prostituée déguisée en Pompadour ou en Montespan de pacotille.
Chapitre 15
Effeuillage
Le roi a beaucoup pleuré la disparition de Mme de Pompadour. Après la douleur du deuil, celle de l’absence est encore plus cruelle : un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Mais le naturel du roi ne tarde pas à resurgir. Malgré un chagrin réel, Louis XV ne peut s’empêcher de séduire, toujours et encore, ou revient vers de plus vieilles amours. Il continue de fréquenter Anne Couppier de Romans, une jolie intrigante qui a la manie de vouloir s’occuper de tout et de répandre rumeurs et calomnies. La relation, vieille de onze ans, ne tarde pas à devenir pesante. Qui plus est, le monarque a le sentiment d’avoir rempli ses obligations en légitimant Louis-Aimé, le garçon né de leur union, seul enfant naturel qu’il ait daigné reconnaître. Louis XV la délaisse d’abord puis l’abandonne au profit d’une beauté de seize ans, Louise Tiercelin.
Si Louise est jeune, elle connaît déjà les secrets des expertes aguerries au jeu de l’amour. La petiteaime le sexe et ne se prive pas. Tout est prétexte pour attirer le roi dans sa couche ou dans un bosquet lorsqu’ils se promènent dans le jardin. D’un tempérament provocateur, la toute jeune fille n’a pas froid aux yeux : elle déambule dans les appartements privés du roi très légèrement vêtue, quand elle ne prend pas en public des poses qui ne laisseraient personne indifférent. Par sa conduite impudique, elle s’attire les foudres de l’entourage du roi. On la trouve vulgaire, sans esprit, pis, arriviste, car Louise a une autre obsession, devenir favorite. Elle est jeune, beaucoup trop jeune pour parvenir jamais à ce rang tant convoité. Après quelques années de provocations, d’espoirs et de désillusions, elle se fait une raison et laisse place libre à Mme d’Esparbès.
Mme d’Esparbès, comme toutes les femmes de la Cour, souhaite devenir la nouvelle Pompadour. Elle en a les attraits : sa taille est fine, son regard est vif et sa poitrine est, aux dires de ceux qui l’ont vue, sublime. Vu le nombre de témoignages à ce
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