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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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s’il faut renoncer pourtant
    A mon existence fragile,
    Grands dieux! que j’expire en baisant
    Le joli cul de ma Cécile.
    Que le personnage de la ritournelle se rassure, le postérieur d’exception de la belle Irlandaise ne s’effacera de la mémoire de personne, puisqu’il « siège » aujourd’hui au Louvre.
    La petite O'Murphy sait en outre tirer profit de ce que l’on appelle fort justement des appats. Tous les soirs, elle trouve de nouveaux jeux pour distraire Louis XV, qui en la matière est plutôt difficile à surprendre. Il semble que la jeune femme sache remarquablement bien se servir de ses charmes. Elle a un physique, mais elle est aussi du métier. Nul doute que les quelques années d’apprentissage au Parc aux Cerfs en soient la cause : Mme Bertrand n’enseignait pas que la broderie à ses pensionnaires qui sortaient à quatorze ans de ses mains expertes, vierges, mais habiles à toutes les paillardises. Entre le point de croix et le point de tige, elle leur apprend l’art délicat du « foutre » et les différentes postures destinées à varier les plaisirs. Et puis, il y a fort à parier que Marie-Louise était douée : quand la nature vous dote de pareils ornements, il serait fort dommage qu’elle ne vous ait pas insufflé la manière de les utiliser. Bref, à quinze ans, Louise peut se targuer du titre de « putain par famille et par état ». Plus tard, on lui donne un mari à grosse fortune, et elle finit sa vie, richissime, en 1814. Voilà, si l’on peut dire, une carrière rondement menée.
    Louis XV est un homme à secrets, c’est-à-dire qu’il aime que l’on sache qu’il cache quelque chose. Il reçoit ses maîtresses à Versailles, mais dans une pièce clandestine, le trébuchet, nommé ainsi car on y prend de jeunes oiseaux. Il dissimule, mais à moitié. Argenson évoque les arrivées discrètes, mais aux yeux de tous, de ces novices vouées à « servir aux plaisirs du roi ». La jeune femme est sur son trente et un, car il s’agit du moment phare de sa carrière, avec l’excès propre aux débutants, « fourbie de tabatière et babioles de grand prix, d’aigrette de diamants, cadeaux du roi qu’elle expose ».
    Je n’ai pas retrouvé l’alcôve des plaisirs royaux ni malheureusement le carnet de Lebel, mais j’ai souvent essayé d’imaginer son contenu. La liste, si vertigineuse, aurait fait pâlir d’envie Casanova : on y trouverait, strictement ordonnés, les noms des filles classées par date et par mérite, le valet zélé, qui devait avoir une bonne santé, détaillant les qualités et les défauts de chacune. Une fois consommées, et parfois dévorées toutes crues, les « oies blanches » sont retournées à Mme Bertrand, en attendant que le roi vienne puiser à nouveau dans son poulailler privé.
    Certes, dans les années 1750, Versailles est aussi fréquenté que les Champs-Élysées un 14 juillet, mais je ne suis pas loin de penser que la perspectived’être surpris soit une source de plaisirs supplémentaires pour Louis XV. Il joue à cache-cache avec les chroniqueurs du palais, à la langue aussi verte que son royal instrument. Et puis il y a la possibilité de faire châtier l’importun, ce qui, pour un homme cruel comme lui, n’est pas le moindre des attraits. Est-il vu en train d’arroser gaiement une comtesse derrière les fontaines du bassin de Neptune ? Il fera fouetter, suprême délice d’exhibitionniste, l’impudent voyeur. Pris sur le fait avec une marquise jupes levées, yeux baissés, lui démontrant qu’il n’est pas besoin d’être sodomite pour être prise par derrière ? Il menace de révéler quelque compromettant secret (il a à son service une armada d’espions et une troupe encore plus nombreuse de courtisans), après avoir connu la jouissance exquise de voir sa conquête, suppliante, éplorée, à genoux, le priant d’user de son pouvoir pour préserver sa vertu écornée. Cet homme-là est ce que nous appellerions aujourd’hui un obsédé ; à l’époque on dit vicieux. En voici la preuve : il est beau, il est roi, il peut avoir toutes les femmes qu’il veut, et pourtant, il fait venir des prostituées, qu’il paye, à Versailles ! Ce roi aime s’exhiber, peut-être pour avilir sa partenaire, mais aussi sa fonction. Avec lui, le prestige de la royauté en prend un sacré coup !
    Alors que tout Paris bruit des royales culbutes et des parties carrées de Versailles, il pousse le vicejusqu’à ordonner que les

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