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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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de savourer des fraises sur les seins de quelques innocentes, bien sûr, il n’a de cesse d’entretenir des liaisons avec des femmes qui veulent tirer profit des bontés royales, mais le coeur n’y est plus. Qui plus est, les ennuis se succèdent et son âme et son corps sont fatigués. A presque soixante ans, il se dit toujours gaillard mais il sait au plus profond de lui que ses prouesses passées sont maintenant rangées dans la boîte aux souvenirs et ne la quitteront plus. Et les drames qui ne cessent de s’abattre sur Versailles le désespèrent chaque jour davantage. Le 20 décembre 1765, il perd son fils aîné, un enfant qu’il chérissait même si celui-ci lui reprochait de mener une vie dissolue. Les chats ne font pas des chiens, paraît-il, la filiation entre Louis XV et le Dauphin, Louis de France, prouverait le contraire. Quelques mois plus tard, son beau-père, le roi Stanislas, meurt au château de Lunéville. Certes, il avait près de quatre-vingt-dix ans et son décès n’a rien d’inattendu mais il attriste. L'année suivante, sa bru, la Dauphine, succombe à son tour, victime de la maladie de son époux, qu’elle a contractée en le soignant avec amour.
    Jeanne est-elle plus belle que la reine ? Louis XV pose à nouveau la question et sourit. C'est ainsi que, jeune marié, le souverain demandait à quoi ressemblaient les jeunes femmes dont on lui louait les attributs. Nous sommes en 1768 et le roi est âgé de cinquante-huit ans. Jeanne en a vingt-cinq. Elle est gaie, diablement jolie, le teint frais, les yeux bleus, de longs cheveux blonds, une bouche sensuelle et gourmande, une poitrine magnifique, une taille menue : bref, rien ne manque et tout est à bonne proportion. En plus, elle est drôle, dotée d’une intelligence piquante et surtout elle est libertine. Jeanne, c’est la jeunesse et le bonheur. Il n’en faut pas davantage pour que le roi s’intéresse à elle. Il sait en la découvrant qu’elle sera sa « dernière maladie ».
    Pour la première fois, la situation se révèle délicate. La réputation de la demoiselle est plus que sulfureuse et il se dit qu’elle exerce le plus vieux métier du monde. Les pamphlétaires se régalent :
    France, tel est ton destin
    D’être soumis à la femelle.
    Ton statut vint de la pucelle,
    Tu périras par la catin.

    On n’écrit pas seulement. On fredonne aussi :
    Quelle nouvelle, une fille de rien (bis)
    Quelle merveille, donne au roi de l’amour, est à la Cour.
    Elle est gentille, elle a les yeux fripons (bis)
    Elle est gentille, elle excite avec art, un vieux paillard.

    En effet, Jeanne Bécu vit de ses charmes, plutôt bien même. Il n’y a que son amant, Jean-Baptiste du Barry, pour prétendre qu’elle se contente de jouer quelquefois de son corps pour rembourser ses dettes. L'homme, qui manie l’euphémisme sans gêne, est un gentilhomme toulousain surnommé le « Roué ». Jeanne est pourtant bien connue du milieu de la prostitution et s’il est exact qu’elle débuta couturière, comme sa mère, elle se fit surtout remarquer par Mme Gourdan, la plus prospère maquerelle de la capitale. Jeanne Bécu, devenue Manon Lançon pour les clients, fréquente le Tout-Paris. Les hommes les plus riches veulent posséder cette diabolique qui prétend être vierge. Manon Lançon se fait par la suite appeler Mlle Lange. Notre « pucelle » qui a toujours refusé de devenir une maîtresse accepte la proposition de Jean du Barry. Elle se fait sa complice, son égérie, son amante. Lebel n’exagérait pas en disant de Jeanne qu’elle était plus belle que la reine. Le valet ne s’est d’ailleurs pas contenté d’apprécier sa plastique. Pour être sûr de son jugement, il a goûté la demoiselle et il a aimé. Cela n’est pas inhabituel.
    Tout est fait à Versailles pour protéger le souverain. L'attentat perpétré par Damiens est encore dans toutes les mémoires mais ce qu’on craint le plus, c’est le poison. Or, il existe plusieurs méthodes pour espérer intoxiquer le roi. Lui faire consommer des mets contenant quelque substance hautement néfaste ou introduire dans son lit une personne porteuse d’une maladie vénérienne. Pour parer à toute éventualité, Lebel a pour prérogative de vérifier, en les testant, que les jeunes filles présentées à Louis XV sont saines. Il goûte aussi parfois les victuailles servies à son roi, mais moins souvent. Le valet, homme prudent, refuse de se tuer au travail. Il confie la

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