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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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s’enferme dans une routine mortifère qui désolerait le plus gai compagnon. Casanova, de passage à Versailles, raconte :
    « Je vois la reine de France, sans aucun rouge, avec un grand bonnet, l’air vieux et dévot, qui remercie deux nonnes qui mettent sur la table une assiette où il y avait du beurre frais. Elle s’assied. Les dix à douze courtisans qui se promenaient se mettent devant la table, en demi-cercle, éloignés de dix pas, et je me mets avec eux, dans le plus profond silence. »

    La première dame de France est une vieille femme qui mange sa soupe sans un mot : quelle horreur !
    Maussade, morbide, las, Louis XV maugrée quand on lui adresse la parole, et renonce à la moindre réforme qu’il balaye du revers de la main, en soupirant : « déjà vu » ou « à quoi bon ». Quand est nommé un nouveau ministre, il vaticine, désabusé : « Il a étalé sa marchandise comme un autre et promet les plus belles choses du monde – et rien n’aura lieu. » Mme de Pompadour n’avait pas sa pareille pour distraire son amant splénétique, mais, après sa disparition, toute forme d’esprit a quittéle château. Le roi s’amuse encore avec nombre de demoiselles, mais, à peine le dernier coup de rein donné, il retombe en langueur. Sa seule distraction est la chasse où, avide de sensations, il se montre chaque jour plus cruel, épuisant les bêtes comme les serviteurs. Les seuls êtres animés qu’il respecte sont ses chiens. Il a plus de compassion pour eux que pour les hommes.
    Avec Mme du Barry tout change : la belle n’a ni le talent ni l’esprit de l’autre Jeanne, mais elle sait que pour tirer le roi de sa torpeur post-coïtale latente, il suffit simplement de remettre le couvert. Mme de Pompadour était une intellectuelle, une artiste, du Barry est aussi une esthète, mais du sexe. Elle a compris que ce n’est pas avec les dés ou le jeu de comète qu’elle fera sourire le roi : mieux vaut un jeu de dames. Seulement, pour raviver l’appétit d’un homme de soixante ans qui en a déjà passé plus de quarante dans la débauche, il faut de l’imagination : fort heureusement la sienne est débridée. La « petite » est très jolie, mais elle est surtout très dévouée, tout en elle respire l’amour, ou plutôt l’érotisme. Elle possède « un air de volupté qui vous prend tout de tout suite à la gorge », lit-on dans les Nouvelles à la main . Quand elle soupire, c’est de plaisir, si elle croque dans un bonbon ou lèche une cuiller par gourmandise, c’est comme si elle prenait un sexe dans sabouche, quand elle regarde un homme, comme si elle ouvrait les bras. Tout en elle est obscène et délicieux. Il y a des femmes comme cela : dès qu’elles disent, touchent, ou bougent, c’est une invitation à l’étreinte, dans leurs yeux vous les voyez faire l’amour, sur vous. Le comte de Belleval, venu demander la grâce d’un déserteur, en oublie jusqu’à l’objet de sa requête :
    « Elle était nonchalamment assise, ou plutôt couchée dans un grand fauteuil et avait une robe à fond blanc à guirlandes de roses, que je vois encore. Ses cheveux, qu’elle portait sans poudre, étaient du plus beau blond et elle en avait une profusion à n’en savoir que faire ; ses yeux bleus avaient un regard caressant et franc. Elle avait le nez mignon, une bouche toute petite et une peau d’une blancheur éclatante. Enfin l’on était bientôt sous le charme et c’est ce qui m’arriva si fort que j’en oubliai presque ma supplique, dans le ravissement où j’étais de la contempler. »

    Du Barry n’est pas bêcheuse et ne craint pas de partager son roi, pourvu qu’il s’égaye. Il lui fend le coeur quand elle l’interpelle dans les couloirs de Versailles, morose. Elle lui hurle d’un ton canaille : « Hé, la France ! » et n’obtient qu’un sourire triste, qui retombe comme un soufflé. Pour le distraire, elle organise des fêtes. Les réjouissances se déroulent non loin du vieux château, dans un charmantpetit écrin propice à la bagatelle, le Petit Trianon. A l’origine édifié pour Mme de Pompadour, Trianon est devenu la résidence d’été, ou de fin de semaine, dans laquelle le roi se retire en galante compagnie. Parsemant le jardin, le Pavillon français et le Petit Trianon offrent deux nids d’amour pour oiselles déchaînées. Tout y est une invite aux plaisirs.
    Le Petit Trianon a rouvert très récemment, ce qui lui donne une fraîcheur proche de celle qui

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