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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Baraton
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à soixante-douze ans, il est peu probable que le serviteur zélé ait été emporté par une maladie vénérienne. Le roi s’en inquiète cependant. Il est même un peu triste : l’homme a partagé l’intimité de son maître durant tant d’années. Il a été son compagnon et serviteur de débauches. Il y a même lieu de croire que le premier valet avait un cordon relié à son poignet et dont l’autre extrémité arrivait directement au lit du roi qui pouvait de la sorte l’éveiller quand bon lui semblait. Louis XV, aussi capricieux que craintif, est homme à avoir abusé de ce genre de prérogative et pensé que par ce fil leurs destins étaient liés. Je l’imagine aisément tirant sur le cordon en cas de cauchemar, d’un urgent besoin de filles ou seulement pour le plaisir de réveiller son serviteur en sursaut.
    La mort de Lebel soulève une autre question : qui va goûter les futures maîtresses du roi ? Mme du Barry exulte : le Parc aux Cerfs fermé, Lebel en terre, elle a l’assurance d’avoir Louis XV tout à elle. Car, s’il raffole de la gaudriole, rien ne l’effraie plus que la vérole. Il faut dire que les deux soeurs, la grande et la petite comme on les appelle alors, effraieraient les plus téméraires. Chaque époque a sa maladie : le XIX e siècle a été décimé par la tuberculose, nous avons le sida, au XVIII e on meurt de vérole. Certes, le mal existe depuis l’Antiquité, bien que certains prétendent qu’il vienne d’Amérique, rapporté par les Espagnols de Saint-Domingue. Il est sûr en tout cas que le fléau décime les populations européennes depuis le Moyen Age, à tel point que le parlement de Paris rendit en mars 1496 un arrêt par lequel tous les vérolés qui n’étaient pas bourgeois eurent à sortir de la ville dans les vingt-quatre heures, sous peine d’être pendus. Au XVIII e siècle, la vérole devient en outre un fléau de riches. Mortelle ou non, elle est le symbole de la débauche : qu’on se souvienne de Mme de Merteuil défigurée par la maladie et contrainte à la fuite.
    Il en existe deux types : la vérole, ou « grande vérole », est ce que nous appelons la syphilis, la seconde, la « petite », n’est pas une affection vénérienne : il s’agit en fait de la variole. Elle ne setraite pas, ou alors par inoculation d’un bacille moins nocif, l’ancêtre du vaccin en somme. La syphilis quant à elle n’est pas toujours mortelle, à condition de résister, en plus du mal, à l’arsenic et au mercure communément employés pour la traiter. C'est bien entendu cette dernière que redoute Louis XV.
    Qui plus est, le roi est ce qu’en termes modernes nous nommerions un hypocondriaque : il est malade à l’idée d’être malade. Il a grandi dans les morts de la fin du règne de Louis XIV et a lui-même été un enfant fragile. Son enfance s’est déroulée dans une hécatombe : en 1711 il perd son grand-père, le Grand Dauphin, en 1712 ses parents. La même année les deux aînés du couple sont emportés par la rougeole. Le jeune Louis ne doit son salut qu’à la sollicitude de sa nourrice qui refuse que le petit soit saigné. Voilà de quoi insuffler une haine tenace des disciples d’Hippocrate. La danse macabre se clôt en 1714, lorsque le duc du Berry, l’oncle du futur Louis XV, succombe à un accident de cheval. Louis XIV aurait alors convoqué son arrière-petit-fils, et devant l’adorable bambin blond se serait écrié : « Voilà tout ce qu’il me reste de ma famille. »
    Le garçonnet fragile devient un adulte peureux, douillet et pusillanime, qui hurle à la mort lorsqu’il a un mal de tête, voit la gangrène dans la moindrecoupure et parle de derniers sacrements après deux quintes de toux consécutives : Le Malade imaginaire , c’est lui. Ce trait de caractère a été la cause d’une anecdote plutôt piquante : aux premiers temps de sa relation avec le roi, alors qu’elle vient à peine de s’installer à Versailles, Mme de Pompadour, au coeur de la nuit, réveille Mme du Hausset, sa femme de chambre, en chemise, en larmes et lui criant : « Le roi se meurt ! » La dame en grand tracas, ainsi que la maîtresse, car si le monarque peut dormir avec sa favorite, cela ferait le plus beau scandale s’il venait à mourir dans ses bras, se dirige vers les petits appartements. Le roi gît sur le lit, les yeux mi-clos, la main sur le coeur, les lèvres blafardes. Mme du Hausset sort de l’un de ses jupons des gouttes

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