L'Amour Courtois
richement lambrissée. Quand le soleil se lèvera
demain, il y répandra une grande clarté. »
C’est dans cette chambre de cristal, surgie tout droit de la
plus ancienne mythologie celtique, et du rêve éternel des amoureux de la déesse,
que Tristan veut emmener Yseult. Car là, dans cette chambre inondée de soleil, c’est
à la fois la chambre et le verger, et toute l’année, les oiseaux chantent, les
fruits qui pendent aux arbres sont mûrs et les fleurs répandent leur délicat
parfum. C’est évidemment dans ce Paradis que
doit résider la dame, même si, à travers son sourire, à travers ses yeux – qui
sont la porte de l’Autre Monde – on distingue déjà les flammes de l’Enfer.
Quel est celui d’entre nous qui hésiterait à bâtir miraculeusement
pour celle qu’il aime cette admirable chambre de cristal suspendue entre le
Ciel et la Terre, pour l’y conduire comme une déesse, et, au risque de se faire
dévorer par ses dents monstrueuses, d’y accomplir avec elle les délicates et
ineffables liturgies de l’amour absolu ?
Paris, 1986-1987.
BIBLIOGRAPHI E SOMMAIR E
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[1] J’ai analysé et commenté cette structure sociale dans Le Roi Arthur et la société celtique , Paris, Payot,
1977.
[2] Voir J. Markale, Le Christianisme
celtique et ses survivances populaires , Paris, Imago, 1983.
[3] Ce qui est tout à fait remarquable, en cette époque courtoise,
c’est l’intrusion de la féminité dans les mœurs par le biais du merveilleux . Dans tous les textes littéraires des
XII e et XIII e siècles,
c’est en effet l’image de la fée qui s’impose comme modèle à la dame chantée
par les troubadours. Les romans arthuriens sont parcourus par des
« pucelles » douées de pouvoirs mystérieux, et le destin du monde
peut être manipulé par des personnages comme Viviane, la « Dame du
Lac » et Morgane, la redoutable et attirante fée de l’île d’Avallon. Ces
femmes-fées surgissent tout droit de contes oraux qui transmettent eux-mêmes
des éléments fondamentaux empruntés à la mythologie celtique. « Ils se
présentent comme autant d’exemples démonstratifs de cette idée fondamentale que
la restauration, au conscient collectif, de la fonction symbolique, source
vitale du renouvellement et de l’équilibre psychique du groupe, passe
nécessairement par la médiation du féminin : l’image de la femme-objet
s’efface devant celle de la fée-maîtresse agissante, guide vers une plus haute
conscience, qui ouvre l’accès à l’Autre Monde et conduit à la réalisation du
Soi » (Jean-Claude Aubailly, La Fée et le
chevalier , Paris, Champion, 1986, p. 143).
[4] Entre 1145 et 1153, le savant Bernard Sylvestre, dans son de Mundi universitate, fait un vibrant éloge de la
sexualité, exalte les organes génitaux et prône l’amour comme remède absolu
contre la mort et le chaos.
[5] J.-C. Aubailly, La Fée et le chevalier , op. cit ., p. 145.
[6] M. Cazenave, La Subversion de l’âme ,
Paris, Seghers, 1981, p. 275. L’auteur dans ce livre passionnant se livre
à une « mythanalyse » scientifique de l’histoire de Tristan et
Yseult.
[7]
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