L'ange de la mort
Peccavi », sûr que Dieu lirait dans son coeur et comprendrait que, étranger à tout irrespect, il voulait seulement découvrir la vérité ; car c’était bien d’un crime épouvantable qu’il s’agissait ! Mais comment s’y était-on pris pour le commettre ?
Corbett repensa au rituel de la messe. Après l’ Agnus Dei, les célébrants prenaient une hostie sur les patènes d’argent posées sur l’autel, puis c’était le tour du calice : chacun buvait une gorgée de vin avant de le passer à son compagnon. Était-ce la solution à l’énigme du meurtre ? Corbett s’approcha de l’encensoir et en ôta le couvercle d’or : les petits morceaux de charbon étaient froids, à présent. Il renifla, mais ne sentit rien d’autre que l’encens. Il eut une idée folle : et si Montfort avait été tué en inhalant des vapeurs d’encens mortelles ? Mais il écarta cette hypothèse ; d’autres les auraient alors respirées, or tous étaient indemnes alors que Montfort gisait dans la sacristie, déjà touché par la rigueur cadavérique. L’hostie avait-elle été empoisonnée ? Il rejeta également cette hypothèse. Aucun prêtre n’aurait pu être sûr de recevoir telle hostie plutôt que telle autre, et par ailleurs cela ne concordait pas avec sa quasi-certitude que c’était le monarque qu’on visait et non Montfort. Cela ne pouvait être que le vin.
Il se dirigea vers le calice qui se dressait un peu à l’écart, encore à moitié plein. Il en huma l’intérieur, mais ne sentit qu’une forte odeur de raisin. Il y mit le doigt et s’apprêtait à goûter le breuvage lorsqu’il entendit une exclamation virulente :
— Sacrilège !
C’était Winchelsea, blême de rage, qui, du bas des marches, de l’autre côté du cordon de gardes, le fixait, les yeux flamboyant de colère.
— Que faites-vous donc ?
— Monseigneur, répondit Corbett, je ne fais qu’exécuter les ordres du roi. Montfort a été empoisonné à cet autel. Je n’ai aucune intention de commettre un sacrilège, mais c’est ici que se trouve le venin qui l’a tué. Si nous le découvrons, nous tenons l’assassin.
Corbett soutint le regard ulcéré de l’archevêque.
— Vous n’avez pas le droit ! Vous êtes un laïc, s’écria Winchelsea. Vous auriez dû avoir mon aval, ou à défaut celui de Monseigneur l’évêque de Londres, avant même d’approcher de cet autel.
— Monseigneur, s’exclama Corbett, las de cette comédie qui les forçait à s’égosiller par-dessus la tête des gardes dont certains riaient franchement de l’altercation, Monseigneur, si vous avez une quelconque objection, veuillez en faire part au roi ! Ou bien excommuniez-moi si vous le désirez ! Mais je vous assure que je ne veux en aucune façon me conduire en profanateur. C’est sur cet autel que se trouve la cause de la disparition de Montfort et je me propose de la découvrir !
— Il a raison !
Une voix s’éleva de l’autre côté de l’autel. C’était Plumpton qui observait Corbett et insista avec tact :
— Monseigneur, ce clerc n’est coupable d’aucune irrévérence. Il est là sur l’ordre de notre souverain. L’émoi est à son comble en ce moment. Si vous m’autorisiez à assister Messire Corbett... ?
L’archevêque acquiesça ; Plumpton passa entre les soldats et gravit, de sa démarche dandinante, les marches de l’autel près duquel il rejoignit le clerc.
— Avez-vous trouvé le poison, Messire ?
— Non, répondit Corbett en tournant le dos au prélat qui fulminait encore. Est-ce là le principal calice ?
Il prit la coupe superbement ouvragée.
— C’est le seul, précisa Plumpton. Il appartenait à Montfort. Il en était très fier. Après tout, c’est le grand comte Simon en personne qui le lui avait offert.
— Et il a bu dans ce calice, n’est-ce pas ?
Plumpton fit un signe de tête affirmatif.
— Alors, c’est ce calice qui est la cause de sa mort.
Plumpton prit la coupe presque pleine et en avala le contenu avant de la replacer sur l’autel en déclarant :
— Ce n’est pas mon avis. J’ai bu le vin consacré parce qu’il faut que quelqu’un le fasse ! Et puis parce que cela vous permettra de savoir, en quelques minutes, si on y a effectivement versé du poison. Je crois, poursuivit-il avec un sourire, que vous connaissez déjà la réponse : le calice n’est pas empoisonné. Rappelez-vous que nous avons tous bu du vin pendant la
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