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L'ange de la mort

L'ange de la mort

Titel: L'ange de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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la pièce et fixa durement le clerc.
    — Vous vous rendez compte de ce que vous avancez, Messire ? Vous suggérez qu’un prêtre ou un chanoine de cette cathédrale a osé, au beau milieu de la cérémonie la plus sacrée, la Sainte Messe, empoisonner le calice consacré avant de le tendre à Montfort !
    — En effet, répliqua Corbett, en soutenant son regard sans ciller.
    Puis il se retourna vers le roi :
    — Je vous supplie, Sire, de faire placer une garde autour du maître-autel et d’interdire que l’on touche au moindre calice, à la moindre patène, avant que nous les ayons examinés.
    Le roi acquiesça et donna ses ordres à voix basse à Bassett qui sortit en courant.
    — C’est très astucieux, reprit lentement le roi. Quoi qu’il arrive, nous devons faire preuve d’une grande prudence. Acceptons-nous la mort de Montfort en clamant notre innocence – car nous sommes vraiment innocents ! — ou allons-nous mener une enquête ? Dans ce dernier cas, chacun des chanoines doit subir un interrogatoire, ce qui risque de causer un scandale, sans que, pour cela, nous découvrions quoi que ce soit. Il se pourrait même que nous soyons accusés de chercher des boucs émissaires !
    Le roi se mordit la lèvre et passa dans ses cheveux gris acier une main chargée de bagues. Il ôta son cercle d’argent ciselé et le posa sans cérémonie sur le tombeau.
    — Que conseilleriez-vous, Surrey ?
    — De laisser pourrir l’affaire, répondit rapidement le comte. De ne rien faire.
    — Corbett ?
    — Je serais tenté de partager cet avis, s’il n’y avait pas un détail que nous avons négligé.
    — Lequel ?
    — Le calice. Vous vous souvenez, Sire ? Vous alliez communier sous les deux espèces. Nous devons nous poser la question suivante : le poison dans le calice était-il destiné à Montfort ou à vous ?
    Le roi se frotta le visage et contempla les gargouilles au-dessus de la frise de pierres en zigzag. Corbett suivit son regard. Des anges surgissaient des murs, les joues gonflées pour sonner les trompettes du Jugement dernier près de diables qui, yeux exorbités, tiraient à jamais leurs langues de pierre. Sous les gargouilles éclatait une merveilleuse symphonie de violet, or, rouge et bleu qui représentait le paradis où les âmes des bienheureux, vêtus de blanc et jouant de harpes dorées, glorifiaient un Christ siégeant en Majesté pour l’éternité tandis que sous ses pieds, dans une nuée infernale marron rougeâtre, des démons écailleux à tête de monstre et corps de lion soumettaient les âmes des damnés à d’indicibles tortures. La méditation du roi n’échappa pas à Corbett tandis que Surrey, gagné par l’ennui, s’adossait contre un mur et regardait par terre comme s’il n’avait rien à ajouter aux conclusions du clerc. Le roi s’approcha si près de Corbett que ce dernier respira l’odeur mêlée de parfum et de sueur qui s’élevait de son lourd habit brodé d’or.
    — Dans cette église, Hugh, prononça doucement le monarque, faisant fi de la présence de Surrey, repose le corps du roi saxon Ethelred l’Indécis {12} . L’épée ne s’écarta jamais de sa Maison et la fureur du ciel sembla s’acharner sur lui. Est-ce là le destin qui m’attend ?
    Corbett fut sur le point de compatir, mais il vit l’expression des yeux bleu clair du souverain et se demanda à nouveau si Édouard, en acteur consommé, n’était pas en train d’apaiser ses propres craintes.
    — Cette affaire doit être tirée au clair ! déclara le roi. Et pas à cause de la disparition de Montfort.
    Il cracha presque ces mots.
    — Je lui souhaite bon vent comme à tous ceux de sa famille, mais si quelqu’un a eu l’intention de me tuer, Corbett, je veux que vous le démasquiez.
    — Dans ce cas, Sire, décréta Corbett, impatient d’échapper à la présence pesante du roi, je ferais mieux d’examiner l’autel et le calice. Qu’en pensez-vous ?
    — Faites, approuva le roi. Nous vous attendrons ici.

 
    CHAPITRE IV
    Corbett retourna dans le choeur. On avait soufflé les bougies et fait évacuer la cathédrale. Au fond, Winchelsea et son hôte, l’évêque de Londres, étaient en grande conversation avec Bohun et Bigod. Des seigneurs et des dignitaires ecclésiastiques les entouraient, feignant le chagrin comme si les événements de la matinée les avaient personnellement touchés. Quelques chanoines fixaient, bouche bée, le maître-autel cerné par un

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