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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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cheveux noirs se dirigea vers les deux policiers. Il les salua, se présentant comme Diego Burgos, le secrétaire du vicomte de Trabard. Nicolas reconnut le personnage dont Le Noir l’avait entretenu. Il fut frappé de son regard lassé et d’un noir si profond qu’il semblait liquide. Le seul mot qui lui vint à l’esprit pour le caractériser fut languide . Il parlait parfaitement français avec un léger accent zézayant qui lui rappela celui de la comtesse du Barry.
    — Votre venue, messieurs, nous a été annoncée. Rien n’a été dérangé. Nous avons juste retiré, oh, à peine de quelques toises, le corps de mon malheureux maître…
    Il s’arrêta étranglé par un sanglot, les yeux noyés de larmes.
    — Pardonnez, messieurs, à mon émotion, mais mon attachement à… M. le vicomte était si grand que je ne parviens à me persuader qu’il n’est plus.
    Nicolas, tout en considérant les mines du secrétaire, s’interrogeait. Qui donc avait prévenu de leur arrivée prochaine ? Et quel degré de sincérité pouvait-on attacher à un chagrin si affecté ? Il se reprit ; ce qu’il avait appris sur Diego Burgos n’influençait-il pas son premier jugement ? Il devait tenter de se reprendre, même si tout incitait à la méfiance venant de cet interlocuteur-là.
    — Mme de Trabard ?
    L’homme leva les yeux avec affectation.
    — Elle ne reçoit pas et d’ailleurs vit cloîtrée là-haut…
    Il se retourna en désignant la partie droite de l’hôtel.
    — … avec sa femme de chambre pour toute compagnie. Messieurs, désirez-vous entrer ?
    — Non, nous souhaiterions de prime voir le corps et examiner les lieux. Soyez assez aimable de nous y conduire sur-le-champ.
    Le ton du commissaire, tout courtois qu’il fût, convainquit le secrétaire de ne pas tergiverser. À demi courbé, il les précéda sur le chemin des écuries situées à droite de l’hôtel.
    — Il y a combien de chevaux ici ?
    — Un étalon, dix-huit hongres et quatre juments poulinières, sans compter une poignée de poulains.
    — Comment se nomme le cheval qui a agressé votre maître ?
    — C’est celui que M. le vicomte avait coutume de monter, monsieur, un étalon nommé Bucéphale. Selon moi, une bête vicieuse. Il ne parvenait pas à la maîtriser, la corrigeant souvent avec violence. Parions que le cheval lui en gardait rancune et a voulu se venger. Un sournois… Je ne vois pas d’autres explications. D’ailleurs vous l’entendez !
    Approchant des écuries, leur parvenaient des hennissements aigus accompagnés du choc de ruades contre les planches. Il semblait que le cheval, par accès réguliers, ranimât son exaspération. Pour Nicolas, qui connaissait bien les chevaux, lui qu’on avait surnommé le centaure à l’orée de sa carrière et sur les traces duquel marchait son fils Louis, il y avait quelque chose d’anormal dans cette excitation maintenue. Un groupe de valets se tenait devant la porte de l’écurie. L’un d’eux se détacha, tira son chapeau et les salua. Burgos fit les présentations.
    — Monsieur le commissaire, voici Pierre, Pierre Decroix, notre maître-palefrenier. Enfin le mot est faible pour rendre compte de l’ampleur de sa tâche.Il dirige l’ensemble des valets qui soignent les chevaux. Il débourre les plus jeunes et entraîne ceux qui participent aux courses. Nul doute qu’il est le plus à même pour apporter sur l’étalon les informations les plus éclairées et les moins discutables. Dites-nous, Pierre, votre sentiment sur le drame qui a…
    Un sanglot coupa ce flux de paroles.
    — … qui a frappé notre maître.
    Nicolas, qui avait écouté la tirade avec agacement, n’apprécia guère qu’on lui dictât ainsi sa manière de faire.
    — Nous verrons plus tard. Je veux d’abord examiner et le corps et les lieux. Seul avec M. Bourdeau, je vous prie.
    Le sombre regard du secrétaire s’accentua, le noir liquide des pupilles se figea, les muscles de la mâchoire se durcirent et saillirent ; l’ensemble du visage prit en un instant une apparence froide et cruelle. Le commissaire se garda de nourrir sa prévention à l’égard de cette étonnante transformation, sans doute conséquence de sa propre attitude. On n’écarte jamais la mouche du coche sans inconvénient, conclut-il, philosophe.
     
    La porte à deux battants poussée, le soleil entra à flots dans l’écurie et fit poudroyer la poussière en mouvement qui l’emplissait de ses

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