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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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mais pas seulement. Décidément ces deux-là ne se pouvaient souffrir et leur ressentiment transpirait de leur attitude. En policier d’expérience, il s’en félicita. Il ne pouvait en sortir que de l’intéressant. Féconde est l’animosité d’esprits rancis de haine. Le secrétaire fit un pas en avant et tendit à Nicolas une paire de mules d’homme en cuir gaufré blanc, découvertes sur la pelouse. Nicolas les saisit et les considéra longuement. Il ne fit pas de commentaires et les passa à l’inspecteur qui, à son tour, les regarda avec attention, allant même jusqu’à les retourner.
    — Monsieur Decroix, j’aurais quelques questions à vous poser.
    Nicolas fixa Diego Burgos qui ne bougeait pas.
    — Monsieur, reprit Nicolas, auriez-vous l’obligeance d’aller prévenir Mme de Trabard que je me présenterai à elle dans un instant et qu’elle veuille bien me recevoir.
    — Mais… Monsieur le commissaire, j’ai eu l’heur de vous prévenir… Y a-t-il une bonne raison pour lui imposer ce désagrément ?
    — Il n’y a point de désagrément quand on obéit aux nécessités de la justice du roi.
    — Justice ? Pour un malheureux accident ?
    — Monsieur, puisqu’on vous avait prévenu de notre arrivée, vous deviez bien supposer qu’on ne dérange des magistrats que pour…
    — Pour ?
    — Pour ce que nous aurons peut-être à conclure. Ceci dit, monsieur, le temps court et je vous prie de déférer à l’instant à la demande que j’eus l’honneur de vous faire.
    L’homme se mordit les lèvres, s’empourpra et tourna les talons. Decroix eut un rictus méprisant.
    — J’ai pu remarquer, depuis le peu que je suis sur ce domaine, que vos chevaux sont très bien soignés. Et avec des écuries qui en remontreraient à bien d’autres plus huppées, en dépit des circonstances.
    Le palefrenier, bel homme brun à la dégaine sèche et redressée, se détendit et sourit d’aise à ces compliments. Nicolas, qui avait décidé d’user de tous les arguments de la question policière, sortit de sa poche sa tabatière ornée du portrait du feu roi et la tendit ouverte à Decroix, qui s’empressa d’y prendre un peu de tabac. Nicolas fit de même. Bourdeau, qui ne prisait pas, alluma sa pipe. Il s’ensuivit une tabagie fraternelle, des éternuements de concert et une fumée odorante. La glace était rompue.
    — Monsieur Decroix, depuis quand êtes-vous au service du vicomte de Trabard ?
    — Depuis deux ans. Auparavant je servais chez le baron de Malevaux, à Rue-en-Picardie, d’où je suis originaire.
    — Et quel événement vous a fait monter à Paris ?
    — La mort de mon maître. J’ai pensé trouver plus facilement du travail ici. Ce qui est heureusement arrivé.
    — Êtes-vous satisfait de votre état ?
    — Pour ce qui est de ma tâche, j’ai toute liberté pour l’élevage, les soins et l’entraînement des chevaux. Puis-je, monsieur, vous faire compliment pouravoir calmé Bucéphale ? C’est un brave animal, pas méchant pour un liard, mais qu’il faut savoir séduire. Alors il est soumis et aimable. Si tous étaient comme lui ici, la vie serait un rêve…
    Voilà ce que recherchait Nicolas, ce moment où l’entretien bascule, où un propos sans intérêt dérive vers des révélations pleines de ragoût. Ne pas interrompre surtout. Decroix jeta un œil autour de lui, ce qui présumait qu’il envisageait des confidences indiscrètes.
    — … Je m’entends bien, tiens ! Notre maître aime les chevaux, cela est sûr… Mais sa poche est trouée et je n’ai pas reçu mes gages depuis trois mois ! Pourquoi ? Je ne sais point, sauf les rumeurs qui galvaudent. Et l’autre petit furet, il lui fait croquer bien des louis ! Je vous en préviens, c’est un fourbe. Tiens, ces mules qu’il a prétendu avoir découvertes sur la pelouse, il est sûrement allé les chercher dans la maison, car il a disparu pendant que vous étiez à l’intérieur de l’écurie. On ne sait pas trop le rôle qu’il joue ici. Et cette pauvre madame que chacun plaint. Tout passe en équipages, vêtures, fêtes à Paris et à Versailles. On le dit favori de la reine. Je vous préviens sur tout cela, cependant je n’ai pas à m’en plaindre. Il est toujours égal avec moi, courtois et prenant intérêt à mes conseils. Ce n’est pas comme l’autre perfide ! On jase que… Mais non, j’ai trop de respect malgré tout pour notre maître. On ne glose point sur un

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