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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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volutes grises. Les autres chevaux avaient sans doute été transférés car les box étaient vides. L’étalon dans celui du milieu poussa un long hennissement et rua dans les planches. La lumière frappait directement une forme allongée sur le sol, dissimulée sous une couverture brune. Nicolas accroupi, le nez au sol comme un limier, examinait avec soin le sol dallé couvert de paille et de crottin. Il parlait à voix basse.
    — Que dis-tu, Nicolas ?
    — Je me dis que tout cela a été bien piétiné. C’était pleine lune, la nuit dernière ?
    Bourdeau sortit de son habit un petit almanach de poche qui ne le quittait jamais.
    — Voyons… Oui, c’est cela, tu as raison. 13 juillet : pleine lune. Cela revêt-il une importance ?
    — Peut-être… tout est important quand on ignore tout ! Soulève cette couverture.
    L’odeur était déjà insupportable et les mouches bourdonnaient autour du cadavre. Le spectacle qui s’offrit à leurs yeux aurait fait reculer d’horreur des gens moins accoutumés à ces sinistres visions. La tête du vicomte de Trabard était complètement détruite et comme aplatie. Le reste du corps portait des blessures qui avaient imbibé de sang le vêtement qui l’habillait.
    — Nicolas, pourquoi était-il en chemise de nuit ?
    — Et pieds nus ! Il faut retrouver ses souliers ou ses mules. Nous avons besoin d’une charrette pour faire porter ces restes à la basse-geôle. Et avec précaution, vu l’état de ce corps. Il fait chaud. Nous allons encore perdre du temps.
    — Que non ! La charrette et les hommes ad hoc sont en route. J’avais prévu à tout hasard que nous en aurions besoin.
    — Que ferions-nous, sans toi ?
    Ah ! songeait Nicolas, le hasard de Bourdeau ne tenait pas à une situation fortuite, mais à l’intelligence de l’inspecteur qui anticipait toujours les moyens de prévenir les inévitables obligations des enquêtes.
    — Tu veilleras à ce qu’il soit recueilli avec précautions, dit-il en recouvrant doucement le cadavre.
    Nicolas retira son tricorne, tomba l’habit qu’il tendit à l’inspecteur.
    — Que fais-tu donc ?
    — Je me mets en état de faire retraite au plus vite devant un étalon qui a déjà tué.
    — Tu le vas approcher ?
    — Non, je vais tenter de faire connaissance.
    — C’est folie, s’écria Bourdeau, inquiet et pour qui un cheval était un animal inconnu et, selon lui, plein de fallaces, il n’est pas question que je te laisse risquer ta vie ainsi !
    — Rentre sur-le-champ dans un box . Qu’il s’avise de sortir en furie, c’est toi qui serais menacé.
    Il poussa Bourdeau dans le plus proche et s’approcha de celui de l’étalon. Un trépignement accompagné d’un souffle rauque et court en sortait. Avant de soulever la planche branlante qui servait de fermeture, Nicolas se mit à chanter à voix basse une vieille chanson en breton que lui avait enseignée à Ranreuil le piqueux de son père. Cette rengaine était réputée posséder l’effet merveilleux de calmer la fureur des chevaux.
    Marc’h Haman’zo act dra Vrest
    Dishual ha digabestr
    War ar vein, war an chein,
    Hag an hini gozh war e gein.
     
    Le cheval d’Haman est allé à Brest
    Sans entraves et sans licol
    Sur les pierres, sur les épines,
    Portant la vieille sur le dos.
    Tout en fredonnant, Nicolas esquissait un pas de danse martelé scandant le pas d’un cheval. Il entradans le box . Acculé dans le fond, un cheval superbe, presque assis sur sa croupe, la bouche empanachée d’écume, les yeux fous et sanglants, le fixait, soufflant, les naseaux élargis. Le commissaire continua d’osciller en chantant. Il tourna le dos à l’animal. Derrière lui, il y eut comme un gémissement plaintif. Il entendit le cheval s’ébrouer et se replacer sur ses quatre fers. Nicolas se tint immobile, tout en continuant à murmurer le refrain. Soudain il sentit un souffle chaud sur sa nuque. Alors seulement il se retourna doucement et se retrouva face à la tête de l’étalon. Il semblait se calmer peu à peu. Nicolas tendit sa main à plat qui fut aussitôt remplie et goûtée d’une langue brûlante.
     
    À mesure que l’étalon se calmait, la main amicale du commissaire lui caressait les yeux selon une technique maintes fois éprouvée, puis glissait, recherchant à la jointure de l’épaule l’endroit favori où les chevaux ont coutume de se flatter. Des vagues de frémissements parcouraient la robe alezan brûlé, mais ce

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