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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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n’était plus que des manifestations de plaisir. Nicolas poursuivit encore quelques instants ses soins, tout en examinant l’animal et, en particulier, ses sabots ensanglantés. Quelle fugitive folie s’était-elle emparée de ce magnifique spécimen dont rien n’indiquait, et son expérience était grande, qu’il fût le moins du monde vicieux ? Seules, la peur et la menace auraient été susceptibles de déclencher cette impulsion de fureur meurtrière. Restait à déterminer comment, par qui et pourquoi Bucéphale avait été provoqué et poussé à bout. Nicolas appela Bourdeau et lui demanda de trouver de la paille propre. Une fois reçue de la main de l’inspecteur circonspect, il s’en servit pour bouchonner soigneusementle cheval qui manifesta par de confiantes attentions sa reconnaissance et son soulagement. Il encensait et parfois appuyait sa tête sur l’épaule de son soigneur d’une tendre pression. Nicolas finit par lui passer une bride. L’étalon accepta sans broncher la têtière et le mors. Il suivit son sauveur qui le mena dans un box du fond de l’écurie, le plus éloigné du cadavre du vicomte de Trabard.
    — C’est un bel animal et, je dirais, doux pour un étalon. J’espère qu’on ne le châtiera pas d’un acte dont il n’est pas responsable. Accident ou crime ?
    — Crime ? C’est la première fois que tu agites cette perspective.
    — Nous ne devons rien éluder, compte tenu des conditions particulières dans lesquelles nous avons été saisis de cette affaire. Tiens, voilà nos gens. Veux-tu veiller à ce que tout soit fait selon les règles ?
     
    Les agents du guet paraissaient avec les hommes du Grand Châtelet. Bourdeau alla les accueillir pendant que Nicolas retournait dans le box pour examiner à nouveau le sol que le souci de l’étalon lui avait fait quelque peu négliger. Il considéra l’espèce de boue sanglante, macabre agrégat de paille, de crottin et de débris humains. Des minuscules parcelles grises qui paraissaient être des vestiges de papier attirèrent son attention. Il les recueillit soigneusement, les plaça dans le creux de son mouchoir et ce dernier au fond de sa poche. Il quitta le box et fit à reculons, tête baissée, le chemin jusqu’à la sortie. Le cadavre venait d’être enlevé et la charrette du Grand Châtelet s’ébranlait. Bourdeau le rejoignit. Il considéra perplexe son ami dont la contention d’esprit se lisait sur un visage fermé.
    — Nicolas, tu me sembles bien soucieux. Est-ce le sort de ce cheval que tu as si miraculeusement calmé ?
    — J’en suis en effet inquiet, mais, Dieu soit loué, le temps est loin où les animaux passaient en jugement ! J’ai relevé un jour que je compulsais de vieux registres que nos pères faisaient condamner des bêtes responsables de la mort d’humains. Ainsi des pourceaux qui avaient dévoré des enfants. L’Église s’y étant mise, les officiaux portaient sentences contre les sauterelles, les sangsues qui dévoraient le poisson ou les charançons des cultures. Heureusement sans attendre nos philosophes, des juristes considérèrent que ces procédures étaient justice perdue, car elles établissaient pour la vengeance d’un crime une peine que le coupable, bête brute sans discernement, ne pouvait comprendre 2 .
    — Donc, j’en conclus qu’autre chose te tourmente ?
    — Garde cela pour toi, mais j’ai le sentiment déplaisant que nous sommes manœuvrés comme des pions sur un terrain que nous n’avons pas choisi. Veillons à ne pas tomber dans les pièges que je m’attends à trouver sur le chemin de la vérité. Ils seront nombreux et semés à foison là où nous agirons.
    — Tu veux dire qu’on nous fera croquer le marmot et gober les mouches ?
    Nicolas éclata de rire.
    — Voilà qui est parfaitement exprimé ! On nous lanternera et on nous gavera de faussetés. Gast, c’est de coutume ! Ceci dit, on va interroger ce Decroix. En dépit des compliments déversés, je gage qu’il ne goûte guère le petit secrétaire. C’est tout miel pour nous. On va l’aborder par la marge, on tirera d’insignifiantes bordées, et soudain on virera lof pour lof.
    — Je te reconnais bien là, dit Bourdeau hilare, à la barre le Breton, héros du combat d’Ouessant !
     
    Le palefrenier et le secrétaire les attendaient à l’entrée de l’écurie. Nicolas, de loin, observa qu’ils ne se parlaient pas. Les circonstances justifiaient leur air fermé,

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