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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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chambre abandonnée de Nossa Senhora do Monte do Carmo . Elle le regardait fixement, à son tour silencieuse, les yeux humides.
    — C’est une vraie surprise. Non ?
    — C’est un miracle, François. Zenóbia savait ce qu’elle faisait en me confiant à vous. Ce hasard confirme clairement la justesse de son choix.
    Elle haussa les épaules.
    — Malheureusement ou heureusement, je ne sais pas encore, vous allez bientôt repartir. Le destin qui vous a placé sur ma route vous en écarte aussitôt.
    Il éluda, déviant la conversation.
    — Je ne connais pas grand-chose aux pierres. Celle-ci est superbe. Du moins, je le suppose. Je n’en ai jamais vu d’aussi énorme. À vrai dire, je n’ai jamais vu de pierres précieuses des Indes ni du nouveau monde espagnol. Je suppose que votre tante accordait à ce bijou une valeur de souvenir.

    Elle avait passé la bague à son annulaire et, s’étant rapprochée de la terrasse, elle la faisait briller dans le soleil. L’éclat rouge s’était rallumé.
    — François, ce rubis en cabochon est entré dans notre famille dans des circonstances exceptionnelles. Son histoire est à peine croyable. Avez-vous entendu parler du cap Bojador ? Oui, je présume, puisque vous connaissez les cartes nautiques.
    — Bien sûr. C’est le cap africain qui donnait accès à la mer des Ténèbres à la hauteur des îles Canaries.
    — Vous êtes fatigant, François. On s’épuiserait à tenter de vous prendre en défaut. Le nom du héros qui a osé le franchir le premier ?
    — Dites.
    — Gil Eanes de Vilalobos.
    — Je ne connais pas.
    — Ah ! Il n’est pas entré dans la grande histoire comme Cabral ou Vasco da Gama. C’est pourtant le premier navigateur courageux de la longue chaîne de nos découvreurs. C’est lui qui, après quinze expéditions infructueuses, a osé franchir le premier le cap de la Peur. Tous les fidalgos avant lui avaient reculé. C’était en 1434. Au mois d’août. JoãoPremier venait de mourir et l’infant aîné dom Duarte d’être proclamé roi.
    — Vous semblez savoir très précisément l’histoire des découvertes lusitaniennes. C’est plutôt surprenant pour une femme.
    Margarida accentua par jeu une moue hautaine.
    — Nous ne sommes pas toutes incultes, monsieur l’érudit, bien que nos pères et nos époux fassent tout pour cela.
    Ils prirent juste le temps d’un rire et elle poursuivit aussitôt, avec attention :
    — En réalité, là n’est pas l’explication de ma science. Ma famille lit et relit la Chronique de Guinée de Gomes de Azurara qui en rapporte les débuts.
    — Je ne connais pas ce chroniqueur. Luis de Camões, votre grand narrateur, n’est pas très explicite il est vrai sur les débuts de votre épopée.
    — Vous avez lu Os Lusiadas  ? Jusqu’au bout ?
    — Non, mais je les ai écoutées presque de bout en bout. Vous souvenez-vous de Sebastião de Carvalho ? Il ne fréquentait pas le château arrière de la Monte do Carmo c’est vrai. Ce rêveur philosophe déclamait les Lusiades tous les soirs et à chaque occasion. Sebastião était notre voisin sur le tillac. C’est pour ça que je connais Camões.
    — C’est sans doute un immense poète mais je confesse que son livre m’est tombé des mains avant le troisième chant. Je ne suis pas assez cultivée sans doute ni instruite dans les humanités pour interpréter son symbolisme homérique. En tout cas, il est exact qu’il a omis de chanter les louanges d’Eanes. Heureusement, Azurara était plus attentif. Lui, il a rapporté les faits bruts de notre conquête, sans en omettre aucun.
    — Il y a donc une relation entre votre tante, cette bague et votre Eanes de Vilalobos. C’est ça ?
    — Gil était le trisaïeul de ma grand-mère, Maria Leonor Carrelhas de Vilalobos.
    — Vous voulez dire que cette bague que j’ai tenue dans mes mains aurait appartenu au vainqueur du cap Bojador ? À l’écuyer d’Henri le Navigateur ! Ce serait fantastique.
    Il s’était levé d’un bond.
    — N’ayez pas de vapeurs, François. Pas encore. Ce n’est pas tout.

    Margarida l’entraîna par le bras vers la terrasse. Ils s’accoudèrent à la balustrade, regardant le lagon. Il reconnut au loin sur la gauche le contour sombre de l’arbre de nuit. Il somnolait lui aussi comme tout le règne animal, attendant un nouveau crépuscule pour se remettre en fête.
    — Cela s’est passé à Sagres, une bourgade où l’infant habitait

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