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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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en Estrémadure, qui abritait leur trésor, est devenu le chef d’ordre des Chevaliers. Ici commence mon secret.
    — J’ai déjà entendu de quoi rêver longtemps. Votre secret vous appartient.
    — Mais je vais vous le révéler, François. La pierre que vous avez retrouvée était sertie sur la poignée de l’épée du dernier grand maître des Templiers. Elle a été subtilisée par un fidèle avant que sa lame fût brisée sur l’ordre de votre Philippe le Bel à l’instant où l’on brûlait vif Jacques de Molay.
    François frissonnait nerveusement. La pierre luisait à nouveau au bout du bras tendu de Margarida.
    — Le feu qui consuma un innocent irradie à travers elle.
    — C’est la raison de cet éclat insolite !
    — Dom Henrique, qui l’avait fait monter en bague, a révélé le secret de son origine en l’offrant à son écuyer. À la mort de Gil, elle s’est transmise chez nous par les fils aînés jusqu’à ma grand-mère qui était fille unique. À partir de ce moment, elle est curieusement passée du côté des femmes. Zenóbia l’a reçue parce que mon père est mort jeune. Ledestin m’en confie maintenant la garde, étant sa seule héritière. Grâce à vous puisqu’elle a bien failli être à jamais perdue.
    — C’est un trésor inestimable.
    — Elle fait honneur à ma famille en rappelant l’exploit de Gil Eanes mais le nom de son premier possesseur reste un secret, transmis seulement de bouche à oreille à son nouveau détenteur. C’était la volonté de dom Henrique et elle a toujours été respectée. Imaginez-vous l’énergie accumulée dans cette gemme ? L’héritage de Jacques de Molay. La matérialisation de la puissance spirituelle et matérielle des Templiers serait une arme terrible entre les mains d’aventuriers sans scrupules de la politique ou de la foi. Elle sera un jour peut-être le ferment d’une autre croisade. C’est probablement pour cela que l’infant l’a confiée à Gil, le seul homme de sa cour au cœur assez pur pour braver les ténèbres pour Dieu et pour son roi.
    — Que suis-je venu faire dans cette histoire ?
    — Zenóbia m’a révélé le secret avant de mourir, pensant que la bague était perdue. Vous avez vous aussi mérité le droit d’être initié puisque vous l’avez retrouvée. Aujourd’hui, seuls vous et moi au monde savons que le Temple rayonne ici, à Goa.
    Elle se redressa et vint se placer devant lui, mains jointes, les doigts croisés au niveau de sa poitrine.
    — François. Vous m’avez dit un jour que votre ami Jean serait le médecin personnel de dom André. Vous allez donc repartir dans son entourage à bord du navire amiral de la flotte de Lisbonne. Ce bijou n’est plus seulement un héritage de ma famille. C’est un souvenir de vous qui me l’avez rendu. Un cadeau de départ en quelque sorte. Nos destins vont se séparer. Chaque soir, en le portant à mes lèvres, je penserai au bonheur que j’ai eu de vous rencontrer sur ma route.
    François qui attendait l’instant propice se carra solidement sur ses deux jambes et croisa ses mains dans son dos.
    — Je ne pars pas, Margarida. J’ai décidé de rester à Goa.
    Elle se recula vivement.
    — Vous êtes fou !
    Son ton était cinglant. Son visage était contrarié, voire en colère.
    — À quoi cela servirait-il ? J’espère que vous ne prenez pas une décision aussi déraisonnable à cause de moi. Vous savez bien que nous revoir ne servirait à rien qu’à nous meurtrir un peu plus.
    — Soyez tranquille. Jean m’a déjà abondamment mis en garde contre l’absurdité de mes rêves. Depuis longtemps. Depuis le premier jour où je vous ai vue passer devant moi. Vous ne me verrez plus mais je resterai proche puisque tel était le vœu de votre tante. Ce secret me donne des droits sur vous et un devoir. J’ai choisi de rester, que vous le vouliez ou non.
    Elle marcha vers la véranda.
    — Venez. Rentrons.

    Elle s’assit sur le pied de la méridienne, lui désigna un siège et s’empara d’un coussin de satin beige brodé d’un palmier ton sur ton, l’un des motifs à la mode de l’ameublement indo-portugais. Elle l’étreignit des deux mains, contre son buste.
    — Quittez Goa et retournez en France. Éloignez-vous de moi, par pitié. Le plus tôt sera le mieux. Si je conservais le recours de vous appeler d’un instant à l’autre, pourrais-je vivre sereinement, dignement, en vous sachant si proche ?
    — Il le faudra,

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