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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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sur ses pas. La quinta était un peu plus loin. Le grand portail semblait plus imposant encore au soleil mais les ombres bleues des palmes qui le zébraient en adoucissaient la rigueur architecturale. La maison semblait endormie à l’ombre de son toit de tuiles brunes qu’il n’avait pas remarqué dans la nuit.
    À son tintement agacé, il comprit qu’il dérangeait la cloche. Il fut gêné un instant de troubler la tranquillité de la maison mais il était attendu puisque la servante de la matinée apparut aussitôt en haut des marches. Elle les dévala, accourant verslui à petits pas serrés dans sa jupe longue pour lui ouvrir le portail. Une natte épaisse en fibre tressée était étendue en haut des marches, devant la porte. Elle était gorgée d’eau et il s’en dégageait une odeur fraîche et poivrée. Il hésitait entre l’enjamber ou poser le pied dessus, imaginant un usage sur lequel il interrogea l’Indienne.
    — Vétiver. Il faut l’arroser tout le temps. Cela fait du bon air dans la maison.

    Les pièces de réception étaient plongées dans la pénombre derrière le triple obstacle des larges auvents, de panneaux de carepas soigneusement clos et de volets intérieurs à peine entrouverts. L’Indienne lui fit signe d’attendre et disparut dans la véranda. Il l’entendit l’annoncer.
    — Le fidalgo français est arrivé, senhora.
    — Merci, Talika. Fais-le entrer. Apporte-nous de l’eau fraîche.
    La servante revint dans son champ de vision et l’appela d’un geste. Il entra et s’immobilisa, silencieux, laissant à Margarida la responsabilité de diriger leur rencontre comme elle l’entendrait. La senhora était en tenue d’intérieur de soie grège. Elle avait noué un châle indien autour de ses épaules, comme celui qu’elle portait quand ils se rencontraient sur leurs balcons. Il lui sut gré de sa pudeur. Elle vint vers lui avec naturel et lui prit les deux mains en souriant comme s’ils étaient seulement de vieux amis.
    — Bonjour, François. Je suis si heureuse de vous revoir. Venez là vous asseoir. Nous allons rester ici voulez-vous ? Il y fait frais et clair. Dehors, on meurt de chaud et la quinta est plongée dans le noir. Les salons sont faits pour les fêtes nocturnes. Le jour, ce sont des pièces horriblement ennuyeuses.

    Il la laissait dire et faire, incapable d’aligner deux idées cohérentes, écartelé entre le bon ton d’une visite mondaine et le souvenir fulgurant de leur nuit sous la lune, sous la protection de Parizataco. Il se posa du bout des fesses sur le bord dur d’un des trois fauteuils en ébène que des coussinsrendaient habitables. Ils faisaient cercle autour de la méridienne pour inviter à la conversation.
    La senhora semblait tellement naturelle qu’il se demanda un instant si lui-même n’avait pas rêvé cette nuit irréelle. La domestique déposa un plateau sur une table basse en laque noire. Deux gobelets d’argent et des confituriers de cristal entouraient l’aiguière au long bec de porcelaine qu’il reconnut. Margarida la remercia silencieusement en esquissant le namaskar. Il restait attentif, mal à l’aise, n’osant pas la dévisager, tant par timidité que par crainte d’une émotion soudaine qu’il ne contrôlerait pas.
    — Vous en faites une tête ! On vous croirait en visite chez une vieille tante à moustache. Vous m’avez dit que vous aviez une surprise pour moi et que vous viendriez me la remettre quand je vous ferais signe. Je suis curieuse de découvrir ce que vous m’apportez.
    François prit le temps de la faire un peu languir. Il s’en étonna lui-même et pensa qu’il était vraiment transformé.
    — Tendez votre main droite et fermez les yeux.
    — Je les ferme.
    François sortit la bague de la poche de sa veste et posa ses lèvres sur la pierre. Prenant la main de Margarida, il déposa le bijou au creux de sa paume, referma doucement ses doigts sur lui et les effleura d’un baiser.
    — Comptez jusqu’à dix et vous aurez le droit d’ouvrir les yeux.
    — ... neuf, dix.
    La jeune femme laissa échapper un cri et resta interdite, les yeux fixés sur le rubis reposant au creux de sa main, comme hypnotisée. Elle était pâle.
    — Comment cette bague est-elle parvenue jusqu’ici ? Elle a été volée à ma tante à bord de la caraque. Vous ignoriez même son existence puisque vous ne l’avez jamais vue à son doigt.
    Il lui raconta les circonstances de sa découverte dans leur

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