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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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plutôt un éclat intérieur, comme si une lampe s’était allumée en elle, et comme si l’éclat atteignait graduellement son regard. Puis, après un moment, avec méfiance, le regardant toujours :
    « Tu ne m’abandonneras pas ?
    –  Pourquoi le demandes-tu ?
    –  Tu attendras ? Tu ne m’abandonneras pas ?
    –  Il y a peu de danger. Si j’en juge par mon expérience avec toi.
    –  Merci. »
    Elle était toute changée. « Comme elle se console facilement ! songea-t-il. Et pourquoi pas ? » Elle croyait avoir gagné ce qu’elle voulait, même sans rester chez lui. Elle l’embrassa.
    « Je savais que tu comprendrais, Ravic. Il fallait que tu comprennes. Je m’en vais maintenant. Ne me reconduis pas. Je peux m’en aller seule, maintenant. »
    Elle était près de la porte.
    « Ne reviens pas, dit-il. Et ne pense plus à cela. Tu n’en mourras pas.
    –  Non. Bonsoir, Ravic.
    –  Bonsoir, Jeanne. »
    Il tourna l’interrupteur. Il faut être ainsi… Il eut un geste résigné. Elles sont faites d’or et d’argile. De mensonges et de toquades. De duperie et de vérité toute nue. Il s’assit près de la fenêtre. D’en bas, la plainte basse et monotone montait toujours. Une femme qui avait trompé son mari, et qui le pleurait parce qu’il était mort. Elle pleurait peut-être uniquement parce que sa religion le lui commandait. Ravic se demanda pourquoi il n’était pas plus malheureux.

 
CHAPITRE XXIII
     
     
     
    « OUI, je suis revenue, Ravic », dit Kate Hegstrœm.
    Elle était assise dans sa chambre à l’hôtel Lancaster. Elle avait maigri. Sous sa peau, la chair semblait s’être affaissée, comme si on l’eût creusée avec des instruments délicats. Ses traits paraissaient plus définis et l’épiderme ressemblait à une soie fragile.
    « Je vous croyais toujours à Florence… ou à Cannes… ou même en Amérique.
    –  Je suis restée tout le temps à Florence. À Fiesole. Tant que j’ai pu supporter d’y vivre. Vous souvenez-vous que j’essayais de vous persuader de venir avec moi ? Des livres, une cheminée, les soirées paisibles ? Les livres étaient là, la cheminée aussi. Mais la paix ! Ravic, même la ville de François d’Assise était devenue bruyante. Bruyante et inquiétante comme toutes les autres. Là où il prêchait l’amour des petits oiseaux, on voit maintenant des parades d’hommes en uniforme qui s’enivrent de vantardises, de grands mots et de haine irraisonnée.
    –  Ce fut toujours ainsi, Kate.
    –  Non, pas comme cela. Il y a quelques années, mon majordome était encore un homme aimable, en culotte Manchester et en souliers de fibre. Maintenant, c’est un héros en hautes bottes et en chemise noire, qui porte des poignards et qui fait des discours, proclamant que la Méditerranée doit devenir italienne, que l’Angleterre doit être détruite, et que Nice, la Corse et la Savoie doivent être rendues à l’Italie. Ravic, ce peuple charmant, qui n’a pas fait la guerre depuis des siècles, est devenu fou depuis qu’on l’a laissé triompher en Éthiopie et en Espagne. Des amis à moi, qui étaient raisonnables il y a quelques années à peine, sont convaincus aujourd’hui qu’ils peuvent conquérir l’Angleterre en moins de trois mois. Le pays est en ébullition. Que se passe-t-il donc ? J’ai fui la brutalité des chemises brunes à Vienne ; maintenant, j’ai quitté l’Italie pour fuir les chemises noires. On dit qu’ailleurs il y en a des vertes, qu’en Amérique elles sont, bien entendu, argent… Le monde est-il en proie au délire des chemises ?
    –  Il faut bien le croire. Mais cela changera bientôt. Il n’y aura plus que la couleur rouge.
    –  Rouge ?
    –  Oui. Rouge comme le sang. »
    Kate Hegstrœm jeta un regard vers la cour. Le feuillage vert des marronniers filtrait doucement la chaude lumière de cette fin d’après-midi.
    « C’est incroyable, dit-elle. Deux guerres en moins de vingt-cinq ans !… C’est trop. Nous sommes encore épuisés de la première.
    –  Les vainqueurs seulement. Les vaincus ne le sont pas. La victoire rend imprudent.
    –  Oui, peut-être. » Elle le regarda. « Il ne reste plus grand temps, n’est-ce pas ?
    –  Pas beaucoup, je le crains.
    –  Assez de temps pour moi ?
    –  Pourquoi pas ? » dit Ravic en levant les yeux. Kate n’évita pas son regard. « Avez-vous consulté Fiola ? demanda-t-il.
    –  Oui. Une ou deux fois. Il

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