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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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tout cela, Ravic ! À toi et à moi. Tu ne m’as jamais complètement voulue. Tu ne t’en rends peut-être pas compte toi-même. Il y avait toujours une partie de toi qui me demeurait fermée. Je n’entrais jamais complètement dans ton âme. Je le voulais pourtant ! Combien je le voulais ! C’était toujours comme si tu pouvais partir d’une minute à l’autre. Je n’étais jamais sûre. La police t’a expulsé, il a fallu que tu partes… Cela eût aussi bien pu arriver autrement… Tu serais parti un jour, de toi-même, je ne t’aurais plus retrouvé… »
    Ravic chercha à distinguer le visage que la pénombre lui dérobait. Il y avait du vrai dans ce qu’elle disait.
    « C’était toujours comme cela, poursuivit-elle. Toujours. Et puis quelqu’un est venu qui me voulait, et qui ne voulait que moi, complètement et pour toujours, sans complications. J’ai ri ; je n’en voulais pas. Je m’en amusais, car cela me paraissait tellement sans danger, tellement facile à mettre de côté… Et puis, tout à coup, c’est devenu davantage une force, presque une contrainte. Et quelque chose en moi l’acceptait. J’ai résisté, mais sans résultat. Une partie de moi consentait, une partie seulement, mais j’étais entraînée, comme par un de ces glissements de terrain, lents au début, dont on rirait, et qui soudain emportent tout sans résistance. Mais ce n’est pas à cela que j’appartiens, Ravic. C’est à toi. »
    Il lança sa cigarette par la fenêtre. Il la regarda tomber brillante-comme un ver luisant dans la cour.
    « Ce qui est arrivé est arrivé, Jeanne. Il est trop tard pour y rien changer.
    –  Je ne veux rien y changer. Cela passera. Je t’appartiens. Pourquoi reviendrais-je ? Pourquoi me -tiendrais-je devant ta porte ? Pourquoi t’attendrais-je ici ? Tu me mets à la porte, et pourtant je reviendrai encore. Tu penses que je mens ; tu crois que j’ai d’autres raisons. Mais quelles raisons ? Si cette autre chose pouvait me satisfaire, je ne serais pas revenue. Je t’aurais oublié.
    Tu crois que c’est la sécurité que je cherche auprès de toi ? Ce n’est pas vrai. C’est l’amour. »
    « Des mots, pensa Ravic. Des mots pleins de douceur. Un baume suave et trompeur. S’aider, s’aimer, s’appartenir, revenir… des mots. Combien de mots existent simplement pour définir cette attirance simple, sauvage et cruelle de deux corps ! Cette attirance qu’entoure un arc-en-ciel d’images, de mensonges, de sentimentalité et d’illusion ! » C’était la nuit d’adieu, et il était là, calme dans la demi-obscurité, laissant pleuvoir sur lui cette douce ondée de mots, de mots qui ne signifiaient rien d’autre que adieu, adieu, adieu. Le dieu de l’amour avait le front sanglant. Il ne connaissait rien des mots.
    « Il faut que tu t’en ailles, maintenant, Jeanne. »
    Elle se leva.
    « Je veux rester ici. Laisse-moi rester. Ce soir seulement. »
    Il fit signe que non.
    « Pour qui me prends-tu ? Je ne suis pas fait de pierre. »
    Elle s’appuya contre lui, et il sentit qu’elle tremblait.
    « Ça ne fait rien. Laisse-moi rester. »
    Il la repoussa doucement.
    « Tu ne devrais pas recommencer avec moi simplement pour tromper l’autre. Il aura bien assez à souffrir sans ça.
    –  -Je ne peux pas partir seule, maintenant.
    –  Tu ne seras pas seule longtemps.
    –  Si, je suis seule. Depuis des jours. Il est absent. Il n’est pas à Paris.
    –  Ainsi… » Ravic s’arrêta et la considéra avec calme… « Au moins tu es directe. On sait où on en est, avec toi !
    –  Ce n’est pas pour cela que je suis venue.
    –  Bien sûr.
    –  Je n’avais pas besoin de te le dire.
    –  C’est juste.
    –  Ravic, je ne veux pas rentrer seule.
    –  Alors, je te reconduis. »
    Lentement, elle fit un pas en arrière.
    « Tu ne m’aimes plus… dit-elle d’une voix douce et presque menaçante.
    –  C’est-cela que tu es venue découvrir ?
    –  Oui… cela aussi. Pas seulement cela… Mais cela aussi.
    –  Mon Dieu ! Jeanne, répliqua Ravic avec impatience. Alors que tu viens d’entendre le plus candide des aveux d’amour ! »
    Elle se contenta de le regarder. Il reprit :
    « Sans cela crois-tu donc que j’hésiterais à te garder ici, crois-tu qu’il m’importerait que tu vives avec un autre ? »
    Un sourire se peignit lentement sur le visage de Jeanne. Ce n’était pas véritablement un sourire. C’était

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