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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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errait dans le ciel vide de l’amour, il n’était plus qu’un brouillard lumineux qui ne pourrait plus jamais for mer d’arc-en-ciel autour d’une tête aimée. Le cercle magique était brisé. Il restait la lamentation, mais l’espoir était détruit.
    Quelqu’un sortit de la maison. Un homme. Ravic se redressa. Une femme le suivait. Ils riaient gaiement. Ce n’étaient pas eux. Une des voitures démarra. Il prit une autre cigarette. Eût-il pu la garder, s’il eût été différent ? Mais qu’y avait-il à garder ? Une illusion, rien de plus. Une illusion suffirait-elle ? Atteignait-on jamais davantage ? Qui pouvait se flatter de connaître le tourbillon noir de la vie, qui bouillonne sous nos sens ?
    Non, lorsqu’un cristal était brisé, on ne pouvait plus qu’en cimenter les morceaux, rien de plus. Les cimenter, et se mentir à soi-même. Regarder la lumière brisée qui resplendissait autrefois. Rien ne se reformait. Rien. Même si Jeanne revenait, ce ne serait plus la même chose. Le cristal était cimenté. La minute était passée. Rien ne pouvait la ramener.
    Il ressentit une douleur aiguë, insupportable. Quelque chose en lui se déchira. « Mon Dieu, pensa-t-il, que cette chose puisse me faire tant souffrir ! Je m’observe par-dessus mon épaule, mais cela ne change rien. Je sais que je ne la retrouverais que pour la reperdre, mais cela n’étanche pas ma soif. Je la dissèque comme un cadavre sur une table de la morgue, mais elle n’en devient que mille fois plus vivante. Je sais que cela s’apaisera un jour, mais cela non plus ne m’aide pas. »
    Ses yeux fatigués se fixèrent de nouveau sur la fenêtre. Il se sentit puéril et ridicule, mais cela non plus ne changeait rien.
    Le ciel s’emplit soudainement de roulements de tonnerre. De larges gouttes d’eau vinrent s’écraser sur les arbustes. Ravic se leva. Des gouttes argentaient le pavé sombre. Il entendit le chant de la pluie. Les gouttes chaudes frappaient son visage. Soudain, il ne sut plus s’il était ridicule, ou tout simplement malheureux, s’il souffrait ou non… Il ne sut plus qu’une chose : qu’il vivait. Il vivait ! La sensation le tenait de nouveau, le secouait. Il n’était plus le spectateur, celui qui regarde du dehors. La splendeur immense de l’incontrôlable sensation courait dans ses veines comme la flamme dans la fournaise ; peu importait qu’il fût heureux ou malheureux ! Il vivait, il avait pleinement conscience de vivre et cela suffisait.
    Les gouttes le frappaient en rafales, comme de la mitraille. Il resta debout, sur place, et il devint la pluie, l’orage, l’eau et la terre. L’éclair de l’horizon venait se croiser avec lui. Il était la créature et l’élément. Plus rien n’avait de nom qui l’isolât. Tout était identique, l’amour, la pluie, la pâle lueur au-dessus des toits, la terre qui semblait se gonfler. Il n’y avait plus de frontières, il appartenait à tout cela, et le bonheur et le malheur n’étaient plus que des écailles vides, balayées par la sensation d’être vivant.
    « Toi, là haut, dit-il à la fenêtre éclairée, toi, dit-il en riant sans s’en rendre compte, petite lumière, mirage, visage qui exerces sur moi une emprise si étrange, sur cette terre qui contient des millions de visages meilleurs, plus beaux, plus intelligents, plus tendres, plus fidèles, toi, accident jeté sur ma route la nuit, lancé dans ma vie, toi, sentiment aveugle, dominateur, qui t’es glissé sous ma peau pendant la nuit, qui m’as battu de ta vague, jusqu’à ce que j’aie cessé de résister, et qui as voulu fuir ensuite, je te salue ! Je suis debout, et j’avais cru que je ne serais plus jamais debout. La pluie coule sous ma chemise, plus chaude, plus fraîche, plus douce que tes mains et ta peau. Je suis là, malheureux, l’estomac déchiré par les griffes aiguës de la jalousie, t’espérant, te méprisant, t’admirant, t’adorant, parce que c’est toi qui as lancé l’éclair qui m’a enflammé, l’éclair caché dans tous les êtres, l’étincelle de vie ! Je suis là, non plus comme un mort en permission, avec son petit bagage de cynisme, de sarcasme, et sa parcelle de courage, mais vivant, souffrant, si tu le veux, mais de nouveau ouvert à tous les orages de la vie, ressuscité dans sa force simple ! Sois bénie, madone du cœur inconstant. Niké à l’accent roumain, rêve et déception, miroir brisé d’un dieu sombre, sois

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