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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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de beauté, de paix et d’innocence, rempli de force saine, mais séparé de lui, à jamais inaccessible, à cause de cette nuit. Il ne sentit aucun regret. C’était ainsi. Voilà tout.
    Conduire doucement. La seule chance d’être arrêté serait d’aller vite dans les villages. Le cadran. Il roulait depuis deux heures. Était-ce possible ? Il ne s’était pas rendu compte. Il n’avait rien vu, seulement cette face à laquelle il avait parlé…
    Saint-Germain. Le parc. Les grilles, noires contre le ciel bleu, puis les arbres. Les arbres. Des avenues d’arbres, des parcs d’arbres, et enfin le but, la forêt.
    La voiture roulait plus silencieusement. La forêt l’engouffra comme un océan d’or et de verdure. La forêt noyait l’horizon, absorbait tout… Même l’insecte métallique et rapide qui zigzaguait entre les arbres.
     
    Le sol était mou, et le sous-bois couvert d’une végétation touffue. Ravic laissa sa voiture à un endroit où il pouvait la surveiller. Puis il prit la pelle, et se mit à creuser la terre. Il ne courait aucun danger. Si quelqu’un venait à passer, il n’aurait qu’à laisser tomber la pelle, et à revenir vers la route comme un promeneur inoffensif.
    Il creusa assez profondément, afin d’avoir suffisamment de terre pour recouvrir le cadavre. La fosse creusée, il en approcha la voiture. Un cadavre est toujours pesant. Cependant, il l’arrêta dès qu’il vit que le sol risquait de garder l’empreinte des pneus.
    Le corps était flasque. Il le traîna jusqu’à la fosse. Puis il se mit à arracher les vêtements et à les empiler. C’était plus facile qu’il ne l’aurait cru. Il laissa le cadavre nu, ramassa les vêtements, les déposa dans la malle, et ramena la voiture jusqu’à la route. Il revint avec un marteau. Il fallait prévoir le cas où Haake serait découvert presque tout de suite, et faire en sorte qu’on ne pût l’identifier.
    L’espace d’une seconde, il hésita. Il eut l’impulsion presque irrésistible de sauter dans la voiture et de s’enfuir. Il demeura un instant immobile et regarda alentour. À quelques mètres, deux écureuils se faisaient la chasse sur le tronc rugueux d’un hêtre. Leur poil roux brillait au soleil. Il rentra dans le sous-bois.
    Le visage était bleu et gonflé. Il le couvrit d’un linge imbibé d’huile, et commença à l’écraser à coups de marteau. Après le premier coup, il s’arrêta. Il lui semblait que le coup avait fait un bruit terrible. Mais il se remit aussitôt à frapper. Après un certain temps, il souleva le linge. La face n’était plus qu’une masse informe et méconnaissable, maculée de sang noir. « Comme la tête de Riensenfeld », pensa-t-il. Il sentit ses dents se serrer. « Non, ce n’était pas comme la tête de Riensenfeld. La tête de Riensenfeld avait été plus effroyable, car elle était encore vivante. »
    La bague, à la main droite. Il l’arracha, et poussa le cadavre dans le fossé. Il était trop long et il dut replier les genoux sous le ventre. Puis il repoussa la terre. Ce fut l’affaire d’un instant. Il piétina le sol et le recouvrit avec les carrés d’herbe qu’il avait coupés. C’était parfait. On ne pouvait voir aucune trace, sauf en se penchant pour regarder de très près. Il redressa les broussailles.
    Le marteau. La pelle. Le linge ensanglanté. Il les mit dans la malle avec les vêtements. Puis il se força à retourner une fois de plus, et à examiner soigneusement les lieux, pour s’assurer qu’il n’avait laissé aucune trace. Il n’en trouva presque pas. La pluie et la nature auraient tout effacé en quelques jours.
     
    Étrange : les chaussures d’un homme mort. Les chaussettes. Les sous-vêtements. Il éprouvait une indicible horreur à toucher tout cela pour en arracher les marques de fabrique et les monogrammes.
    Il le fit rapidement. Après quoi il fit un rouleau des vêtements et l’enterra. Cela à plus de dix kilomètres de l’endroit où il avait enterré le cadavre, assez loin pour qu’on ne pût découvrir les deux en même temps.
    Il poursuivit sa route jusqu’à ce qu’il rencontrât un ruisseau. Il prit les marques de fabrique qu’il avait découpées et les enveloppa dans du papier. Puis il déchira en menus morceaux le calepin de Haake, et fouilla son portefeuille. Il y trouva deux coupures de mille francs, le billet de chemin de fer pour Berlin, dix marks, plusieurs morceaux de papier où étaient

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