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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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la tête. « Alors c’est autre chose, dit-elle. Les portiers sont en général mieux informés que les agents. Vous le connaissez bien ?
    –  Oui. »
    Ravic fut surpris. Elle venait tout à coup de parler comme une professionnelle.
    « C’est un de mes amis. Il s’appelle Boris Morosow et travaille au Schéhérazade depuis dix ans. Le spectacle est toujours assez important et les numéros changent souvent. Il est en très bons termes avec le gérant. Même s’il n’y a rien pour vous au Schéhérazade, il pourra certainement suggérer autre chose. Voulez-vous essayer ?
    –  Oui. Quand ?
    –  Le mieux serait vers neuf heures du soir, quand il est moins pris et aura le temps de s’occuper de vous. Je lui en parlerai. »
    Ravic se réjouissait de voir la tête que ferait Morosow. Il se sentait mieux. Sa responsabilité s’allégeait. Il avait fait son possible. C’était à elle de faire le reste.
    « Êtes-vous fatiguée ? » demanda-t-il.
    Jeanne Madou le regarda dans les yeux.
    « Non, je ne suis pas fatiguée. Mais je sais que vous vous ennuyez. Vous êtes venu ici par pitié et je vous remercie. Vous m’avez tirée de ma chambre et vous m’avez parlé. Ça voulait dire beaucoup pour moi, qui n’ai parlé à personne depuis des jours. Je vais m’en aller, maintenant. Je vous ai causé assez d’ennuis. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans vous. »
    « Grands dieux ! pensa Ravic, elle le prend sur ce ton. » Mal à l’aise, il regarda la volière. Une colombe faisait une cour pressante à un cacatoès. Celui-ci continuait à picorer sans faire la moindre attention à elle.
    « Ce n’était pas par pitié.
    –  Alors pourquoi ? »
    La colombe venait d’abandonner la partie. Elle s’était réfugiée dans un coin pour lisser ses plumes. Le cacatoès, indifférent, leva la queue et laissa tomber une ordure.
    « Prenez un peu de cognac, dit Ravic. Et ne me croyez pas philanthrope à ce point. Je passe très souvent mes soirées seul. Croyez-vous que ce soit intéressant, un solitaire ?
    –  Non, mais je suis une mauvaise compagnie, c’est pis.
    –  Je ne cherche plus aucune compagnie. Voici votre cognac.
    –  « Salute »…
    Ravic posa son verre.
    « Quittons cette ménagerie. Vous ne tenez pas à rentrer à votre hôtel ? »
    Jeanne secoua négativement la tête.
    « Dans ce cas, allons ailleurs. Au Schéhérazade, tenez. Nous prendrons quelque chose et vous pourrez, en même temps, voir ce qui se passe. »
     
    Il était près de trois heures du matin. Arrivés devant l’hôtel de Milan, Ravic demanda :
    « Avez-vous assez bu ? »
    Jeanne hésita.
    « Je le croyais quand nous étions encore au Schéhérazade. Mais, ici, devant l’hôtel, je me rends compte que ce n’était pas assez.
    –  Il faut remédier à cela. Nous pouvons peut-être encore nous faire servir à l’hôtel. Autrement, il n’y a qu’à acheter une bouteille dans le premier bistrot venu. »
    Elle regarda encore une fois la porte de l’hôtel. Elle dit :
    « Bien, vous avez raison. »
    Et pourtant elle ne bougeait pas.
    « Remonter là, ajouta-t-elle. Dans cette chambre vide…
     – Je monterai avec vous. Nous apporterons la bouteille. »
    Ils réveillèrent le portier.
    « Avez-vous quelque chose à boire ? demanda Ravic.
    –  Champagne, cocktail ? dit le portier en bâillant, mais sans perdre le sens des affaires.
    –  Non, merci. Donnez-nous plutôt une bouteille de cognac.
    –  Courvoisier, Martell, Hennessy, Bisquit Dubouché ?
    –  Courvoisier.
    –  Bien, monsieur. Je la débouche et je la monte.
    –  Vous avez votre clef ? demanda Ravic à la femme.
    –  La porte n’est pas fermée.
    –  Vous pourriez vous faire voler votre argent et vos papiers.
    –  On le pourrait aussi si je fermais à clef.
    –  Avec de telles serrures, en effet ! Mais c’est moins probable.
    –  J’ai horreur, en rentrant seule, de prendre une clef pour ouvrir une chambre vide. C’est comme si j’ouvrais une tombe. Il me suffit d’avoir à entrer dans cette pièce où rien ne m’attend, sauf ma valise.
    –  Rien ne nous attend jamais nulle part, dit Ravic.
    –  C’est possible. Mais au moins, parfois, on peut garder l’illusion. Ici, c’est impossible. »
    Elle enleva son béret et se retourna vers Ravic. Ses yeux étaient clairs et immenses dans le visage pâle et comme figé dans un morne désespoir. Elle demeura immobile un moment. Puis

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