L'archer du Roi
avec la plupart
des autres aristocrates écossais capturés ce jour-là, y compris sir William
Douglas, le chevalier de Liddesdale. Les deux comtes écossais qui avaient fait
auparavant allégeance à Edouard furent décapités, puis écartelés, et les
morceaux de leurs corps éparpillés tout autour du royaume à titre
d’avertissement contre la félonie. Plus tard, la même année, Charles de Blois,
neveu du roi de France et prétendant au duché de Bretagne, rejoignit
David II dans la Tour de Londres. Ce fut un remarquable doublé pour les
Anglais qui, au cours d’une autre décennie, devaient ajouter la capture du roi
de France en personne à leurs victoires.
Les Écossais avaient envahi l’Angleterre à la demande de
leurs alliés, les Français, et sans doute David II avait-il réellement cru
que l’armée anglaise tout entière était occupée dans le nord de la France. Mais
les Anglais avaient justement prévu cette éventualité et certains seigneurs du
nord avaient été chargés de rester au pays et de se tenir prêts à lever des
troupes au cas où les Écossais marcheraient sur l’Angleterre. L’ossature de ces
troupes était, bien sûr, constituée par les archers. Cette période est l’âge
d’or de l’archerie anglaise (et, dans une moindre mesure, galloise). L’arme
utilisée était le longbow – l’arc de guerre, ou l’arc droit –,
un nom qui fut inventé beaucoup plus tard. Il s’agissait d’un arc en hêtre dont
la longueur atteignait au moins cent quatre-vingts centimètres et la force,
plus de cent livres (plus du double des arcs de compétition modernes). On ne
s’explique toujours pas pourquoi seule l’Angleterre était capable de fournir
des armées d’archers, ces semeurs de mort qui, véritablement, devinrent les
rois des champs de bataille européens, mais la réponse la plus plausible est
que cette maîtrise de l’arc de guerre était une passion anglaise, pratiquée
comme un sport dans des centaines de villages. À la fin, on promulgua des lois
qui rendaient l’archerie obligatoire, sans doute parce que l’engouement était
en train de retomber. C’était certainement une arme extraordinairement
difficile à utiliser, car elle requérait une force herculéenne, et les
Français, malgré leurs efforts pour tenter de l’introduire au sein de leurs
rangs, ne maîtrisèrent jamais l’arc de guerre. Les Écossais, habitués à
affronter ces archers, avaient appris à ne jamais les attaquer à cheval, mais
en vérité il n’y eut jamais de riposte à l’arc de guerre avant l’utilisation
des armes à feu sur les champs de bataille.
Il était important de prendre des prisonniers. Un homme du
rang de sir William Douglas n’était habituellement relâché que contre le
paiement d’une grosse rançon. Cependant, sir William fut rapidement libéré sur
parole pour aider à négocier la rançon du roi d’Écosse ; les négociations
ayant échoué, fidèle à la parole donnée, il retourna dans sa prison de la Tour
de Londres. Les rançons des personnages tels que Charles de Blois et le roi
David II étaient énormes, et les négociations ainsi que la constitution de
la somme pouvaient prendre des années. Dans le cas de David, la rançon fut de
soixante-six mille livres, une somme à multiplier par cent au minimum pour
obtenir une grossière estimation de sa valeur actuelle. Les Écossais furent
autorisés à la payer en dix versements. Vingt nobles durent également se
soumettre et servir d’otages jusqu’à la libération de David en 1357, époque à
laquelle, par une ironie du sort, ses sympathies étaient devenues entièrement
pro-anglaises. La capture de Charles de Blois fut attribuée officiellement à
sir Thomas Dagworth, qui vendit son prisonnier à Edouard III pour la somme
beaucoup plus modique de trois mille cinq cents livres ; mais mieux valait
avoir cet argent en poche qu’attendre pendant des années qu’une rançon plus
importante fût réunie en France et en Bretagne. Le roi David fut capturé par un
Anglais du nom de John Coupland qui, lui aussi, vendit son prisonnier à
Edouard, contre des terres et le titre de chevalier.
La défaite de Charles à La Roche-Derrien constitue l’un des
grands triomphes anglais méconnus de cette période. Charles avait déjà eu
l’occasion d’affronter les archers auparavant et avait imaginé, à juste titre,
que le moyen de les défaire était de les pousser à attaquer des positions
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