L'archer du Roi
main
droite aux doigts déformés.
— Vous faites bien de vous rendre, dit-il. Vous vous
souvenez que vous vouliez les couper ?
Il ne put réprimer un sourire en voyant une expression de
terreur se peindre sur la face de Roncelet lorsque ce dernier le reconnut.
— Jeannette ! appela Thomas, savourant son petit
triomphe. Jeannette !
La jeune femme franchit l’ouverture de la tente ; avec
elle se trouvait Will Skeat.
— Que diable fais-tu ici ? s’emporta Thomas.
— Tu ne veux tout de même pas empêcher ton vieil ami de
prendre un peu de bon temps, n’est-ce pas, Tom ? répliqua Skeat avec un
sourire.
Le caractère du vieil archer se trouvait tout entier dans ce
sourire.
— Tu es un vieux fou, grommela le jeune archer avant
d’attraper l’épée du seigneur de Roncelet et de la remettre à Jeannette. Voici
notre prisonnier, expliqua-t-il, c’est le tien aussi.
— C’est le mien aussi ? s’étonna Jeannette.
— C’est le seigneur de Roncelet, dit Thomas sans
pouvoir retenir un nouveau sourire, et je ne doute point que nous pourrons lui
arracher une rançon. Et ce n’est pas à l’or que je pense, puisque ceci est à
nous, de toute façon, dit-il en désignant le coffre ouvert d’un mouvement du
menton.
Jeannette dévisagea le prisonnier, et il se fit lentement
jour dans son esprit que si le seigneur de Roncelet était à sa merci, son fils
lui était pratiquement déjà rendu. Elle éclata d’un rire soudain, puis donna un
baiser à Thomas.
— Ainsi, tu tiens vraiment tes promesses, Thomas !
— Et toi, tu vas le tenir sous bonne garde, répondit ce
dernier, car sa rançon va faire de nous des gens riches. Robbie, toi, Will et
moi ! Nous allons tous devenir riches ! (Il sourit à Skeat.) Tu
restes avec elle, Will ? Tu le surveilles ?
— Oui, je reste avec elle, consentit Will.
— Qui est-ce ? s’enquit le seigneur de Roncelet.
— La comtesse d’Armorique, répondit Jeannette à la
place de Thomas.
Elle éclata d’un nouveau rire en voyant la stupéfaction se peindre
sur le visage du captif.
— Emmenez-le en ville, leur recommanda Thomas.
Il sortit et tomba sur deux habitants de La Roche-Derrien
chassant le butin dans les tentes voisines.
— Vous deux ! les interpella-t-il, vous allez
aider à garder un prisonnier. Emmenez-le en ville, et vous toucherez une belle
récompense. Surtout, ayez-le à l’œil !
Il poussa les deux hommes dans la tente. Le seigneur de
Roncelet ne pourrait s’échapper, surveillé par Jeannette, Skeat et les deux
nouvelles recrues.
— Surveillez-le, leur dit-il, et toi, Jeannette,
emmène-le dans ton ancienne maison.
— Mon ancienne maison ? répéta Jeannette sans
comprendre.
— Tu étais décidée à tuer quelqu’un, ce soir, et tu ne
peux tuer Charles de Blois, alors pourquoi ne t’occupes-tu pas de Belas ?
Devant son expression, il éclata de rire. Puis il referma le
couvercle du coffre et l’enveloppa de couvertures dans l’espoir de le
dissimuler à la vue pendant quelque temps.
Puis, toujours flanqué de son inséparable Robbie, il
retourna se battre.
Des cris et des cliquetis d’épées résonnaient au sud du
campement. Les deux amis découvrirent là un groupe de cavaliers en surcot
entièrement noir qui se battaient contre des hommes d’armes anglais.
— Vexille ! cria Thomas. Vexille !
— Est-ce lui ? interrogea Robbie.
— Ce sont ses hommes, en tout cas, répondit Thomas.
Sans doute son cousin, après avoir quitté le campement où
avait péri Taillebourg, avait-il accouru à la rescousse de Charles, mais trop
tard. Ses hommes livraient une bataille d’arrière-garde pour couvrir ceux qui
s’enfuyaient.
— Où est-il ? demanda l’Écossais.
— Vexille ! Vexille ! appela Thomas.
Soudain, il l’aperçut. C’était lui, l’Arlequin, le comte
d’Astarac. En armure, la visière levée, il portait un écu entièrement noir,
juché sur un destrier également noir. À la vue de Thomas, il leva son épée dans
un salut ironique. Thomas décrocha son arc, mais Guy Vexille vit la menace et
lui tourna le dos, tandis que ses cavaliers venaient l’entourer pour le
protéger.
— Vexille ! hurla Thomas en se précipitant vers
son cousin.
Robbie cria pour le prévenir, et Thomas eut le temps de se
baisser pour éviter un cavalier, puis un autre, qui se précipitaient sur lui en
brandissant leur épée.
— Vexille ! rugit-il.
Faisant signe à ses hommes de
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