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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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menaçants.
    Xéno se trouvait alors à mes côtés. Je compris à son regard ce qu’il pensait : ce Dexippe, voleur et traître, espion, avait averti les Spartiates, à Byzance, de notre présence. Ceux-ci étaient déjà sur place quand le général Sophos s’était présenté avec ses troupes. Peu après, Sophos, l’homme qui avait affronté des épreuves insupportables pour un simple mortel, le seul à connaître les manigances de Sparte, s’était éteint.
    Xéno s’interposa, soutenu par d’autres officiers. Le lendemain même, on commença à négocier avec les Spartiates. On décida que l’armée se dirigerait vers les détroits.
    Cette nuit-là, je pleurai. Le rêve de mon bien-aimé s’était brisé, et l’armée entamait sa dernière marche. Vers la mort.

30
    Je pensais que l’aventure des Dix Mille, des héros que j’avais vus se battre et l’emporter contre tous, y compris contre les forces de la nature, s’achèverait dans un affrontement total.
    Nous étions de nouveau rassemblés sous les ordres de Xéno, et personne n’avait jamais défait l’armée unie. Seuls les groupes isolés qui s’étaient lancés dans des expéditions inconsidérées avaient subi des pertes. Cela ne se produirait plus. Appuyé par Xanthi d’Achaïe, Agasias de Stymphale avait décrété que quiconque tenterait de diviser l’armée serait condamné à mort.
    Peut-être serions-nous encerclés en rase campagne par des troupes supérieures en nombre et ensevelis sous des milliers de dards. Peut-être nos ennemis engageraient-ils des hordes barbares afin de nous attaquer de nuit. Ces hypothèses ne se réalisèrent pas. Une fois à Byzance, l’armée, ou ce qu’il en restait, abandonna l’espace héroïque des immenses champs de bataille, les montagnes aussi hautes que le ciel, les courants tourbillonnants de fleuves inconnus, les territoires de tribus sauvages, férocement jalouses de leur liberté, pour regagner l’espace du commun des mortels.
    La grande guerre entre Sparte et Athènes avait épuisé les énergies les plus vives, emporté les hommes les plus intelligents et les plus valeureux, laissant le champ libre à des êtres médiocres, à des intrigants revêtus des titres ronflants d’amiral ou de gouverneur. Qu’étaient devenues les capes rouges qui avaient affronté aux Portes ardentes les forces innombrables du Grand Roi ? Leur souvenir lui-même s’était évanoui. Leurs successeurs ourdissaient des conspirations, ils nouaient en cachette des accords inavouables avec l’ennemi de jadis. Seul le pouvoir, seul le contrôle de leur petit monde les intéressait. Les idéaux étaient bafoués.
    J’ai du mal à me remémorer ce qui se passa ensuite, tant les événements furent confus, incertains et contradictoires. Cléandre et son amiral Anaxibios jouèrent un jeu sale et vil, firent des promesses qu’ils ne tinrent pas, dupèrent et leurrèrent les nôtres. Sans doute entendaient-ils pousser l’armée à se scinder et à s’égarer sans laisser de traces. Ils n’eurent même pas le courage de l’affronter sur le champ de bataille. Ces six mille guerriers qui avaient parcouru trente mille stades, balayant toutes les forces qui s’étaient opposées à eux, inspiraient encore le respect. Mieux valait ne pas prendre de risques.
    On ordonna aux hommes d’attendre hors les murs, sans ravitaillement ; malades et blessés, en revanche, seraient hébergés en ville.
    Xéno me décevait et me chagrinait terriblement. Je ne le reconnaissais plus. Il déclara que les choses avaient changé, que l’armée ne représentait plus un danger et qu’elle n’était donc plus exposée à la mort.
    « Ma mission s’est achevée, me dit-il un soir, au campement. Je quitte l’armée.
    — Tu quittes l’armée ? Et pourquoi ?
    — Le gouverneur m’a dit que, si les troupes ne partent pas, le gouvernement de Sparte me tiendra pour responsable.
    — Et cela te suffit pour abandonner les hommes avec lesquels tu as tout partagé, la vie et la mort, pendant si longtemps ? Les hommes que Sophos t’a confiés avant de s’éteindre ?
    — Je n’ai pas le choix. Je ne peux pas me battre tout seul contre la puissance qui domine la Grèce entière.
    — Tu n’es pas seul. Tu disposes d’une armée.
    — Tu ne sais pas ce que tu dis. J’ai très bien compris ce que signifie le discours du gouverneur. Si nous ne partons pas, une armée et une flotte se présenteront et nous chasseront par la

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