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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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semblait-il, à l’exclusion de
tout le reste par les dessins qu’il gribouillait dans un calepin jaune ou les
mots puérils qu’il refilait en douce aux jeunes filles dont l’admiration envers
lui était flagrante. Il s’adjugea même une feuille de papier à en-tête du
cabinet de Craig pour griffonner une lettre mal orthographiée et mal ponctuée :
    Cher monsieur le
Président dont j’ai oublier nom & adresse en tant que Président de la
Wabash St Louis + Pacific aurez-vous l’amabilité de nous envoyer à Moi et
à ma Famille un abonnement mensuel sur votre ligne entre Kansas City et
Richmond soi une distance de 70 kilomètres
    Bien à vous
    Bob. Ford
    Le Tueur
de Jesse James
    Le jury formula son
verdict le 26 octobre, à l’issue de quarante heures de délibération, et les adjoints
du shérif durent ratisser le comté toute la matinée pour ramener l’accusé au
tribunal. Le shérif Algiers le trouva sur la voie de chemin de fer, en train d’avancer
sur un rail, tel un fil-de-fériste, les bras déployés, arquant son corps de
droite et de gauche pour se maintenir en équilibre précaire. Lorsqu’il leva les
yeux vers la route, Bob comprit tout de suite pourquoi le shérif était là. Il
sauta sur le ballast et se dirigea vers le buggy de l’officier de justice en
roulant des mécaniques.
    « Le juge peut bien me pendre s’il veut, fanfaronna-t-il.
Je n’ai pas peur de mourir. »
    Et ce fut avec nonchalance et insouciance que
Bob pénétra dans la salle d’audience ; assis à côté du colonel Garner, on
eût dit un ouvrier agricole invité à délaisser un moment son champ de maïs pour
boire une tasse de café et manger une part de tarte aux pommes.
    Le président du jury tendit un feuillet plié à
l’huissier et le juge Dunn fit signe à ce dernier de le lire.
    « “Nous, les jurés, proclama l’huissier, déclarons
l’accusé, Robert Ford, non coupable des faits qui lui sont reprochés.” »
    Le colonel Garner, jubilant, serra la main de
Bob, ainsi que celle de toute la famille Ford, et la foule quitta la salle
comme à l’issue d’un spectacle qui vous a laissé sur votre faim. Bob alla jusqu’au
banc des jurés avec un sourire un brin dérangé. « C’était très courageux, ce
que vous avez fait », les félicita-t-il. L’un des membres du jury s’essuya
la paume sur sa jambe de pantalon après que Bob l’eut congratulé.
    Presque aussitôt le procès de Plattsburg
terminé, les deux frères Ford regagnèrent l’Est afin de reprendre Comment j’ai
tué Jesse James. La troupe partit en tournée vers le Sud et Philadelphie, Baltimore,
Washington, ainsi que la Virginie dont étaient originaires les Ford, avant de
remonter vers le nord et de célébrer Noël en Nouvelle-Angleterre.
    Charley était de plus en plus superstitieux, de
plus en plus porté à se fier aux conseils de bohémiennes, de diseuses de bonne
aventure et autres miséreuses des bas quartiers qui promettaient de le guérir
de ses misères grâce à du thé vert, grâce à la fumée de pipe, grâce à des
cataplasmes, grâce à l’hypnose ou encore en lui expédiant des secousses
électriques dans les poignets à l’aide d’une génératrice à aimant. Pourtant sa
toux persistait, son épuisement s’accroissait, son estomac se rebiffait contre
toutes les envies de son corps ; convaincu que des vers solitaires
dévoraient ses organes, il se fit même une fois suspendre par les pieds
au-dessus d’un gobelet de miel et de sirop, la bouche grande ouverte, les yeux
dégoulinants de larmes qui se perdaient dans ses cheveux, dans l’espoir que les
parasites se coulent hors de son œsophage, appâtés par une nourriture plus
alléchante.
    Dans un premier temps, Charley avait été
enchanté par l’Est et par sa réussite après ses humbles débuts. Il pataugeait
dans l’océan à Atlantic City, de l’eau jusqu’aux chevilles, sa veste sur le
bras, ses chaussures dans la même main, tandis que de l’autre, il se protégeait
les yeux du soleil afin de mieux discerner les naïades dont les robes de bain
et les culottes bouffantes descendant jusqu’aux genoux révélaient de solides
mollets blancs ; chaque fois qu’une vague plus haute que les autres noyait
leurs pieds d’écume alors qu’elles marchaient dans le sable à la lisière de l’eau
et qu’elles piaillaient, Charley souriait avec magnificence et cherchait Bob du
regard afin de partager son enthousiasme avec lui. Qu’une jeune fille

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