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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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souhaité que son assassinat ne fût pas nécessaire.
    « L’était-il vraiment ? » l’avait
interrogé Dorothy.
    Bob l’avait dévisagée sans un mot.
    « Ce que j’entends par là, c’est : fallait-il
que ce soit toi qui le tues ? » avait précisé Dorothy.
    Sa voix avait un timbre un peu cristallin que
Bob avait souvent remarqué chez les comédiennes.
    « Il avait l’intention de me descendre, argua-t-il.
    — Donc tu avais peur et c’était la seule
raison ? »
    Bob but une gorgée de sa chope de bière à
clapet.
    « Ça et la récompense.
    — Tu préfères que je change de sujet ? »
    Bob reposa la chope et lança un regard
pénétrant à Dorothy.
    « Tu sais à quoi je m’attendais ? À
des applaudissements. J’étais persuadé que Jesse James était le diable, un
tyran responsable de bien des maux, et que je serais l’homme le plus célèbre d’Amérique
si je l’abattais. Je pensais qu’on me féliciterait et que mon nom figurerait
dans les livres. Je n’avais que vingt ans à l’époque. Je ne me doutais pas que
les gens le prendraient ainsi. J’ai été surpris. »
    Ce fut à peu près à
cette période qu’un cow-boy et prospecteur nommé Nicholas Creede commença à
extraire de vastes quantités de minerai d’argent des mines de Holy Moses et d’Amethyst
dans la chaîne montagneuse de San Juan, dans le sud-ouest du Colorado. Un
village de tentes dans la vallée de Willow Creek reçut le nom du prospecteur, un
embranchement à voie étroite fut rapidement mis en chantier par la Denver and
Rio Grande de façon à relier le camp au col de Wagon Wheel à l’est et ce fut seulement
l’enneigement des défilés en altitude qui empêcha plusieurs milliers de mineurs
de déferler sur les montagnes. Ils attendirent donc impatiemment le dégel
printanier à Pueblo, où ils firent les choux gras des saloons, des hôtels et
des pensions, dans lesquels ils dormaient à trois ou quatre par chambre. Bob
Ford, qui résidait au Phœnix Hotel, ne fit pas exception et dut cohabiter avec
un certain Edward O. Kelly, avec qui il ne fit pas un couple heureux.
    Kelly venait de Harrisonville, Missouri, une trentaine
de kilomètres au sud de la ferme de Cole Younger à Lee’s Summit et il laissait
accroire, y compris à ses amis, que sa sœur avait épousé l’un des frères
Younger. C’était un fils de médecin qui avait reçu une bonne éducation et il
avait même un temps occupé un emploi de policier à Pueblo, mais en 1890, il
avait déjà l’allure mauvaise, émaciée et inintelligente de l’alcoolique
chronique. Il négligeait de se raser ou de changer de vêtements, sa chemise et
sa veste étaient trop grandes pour lui, toute lueur d’humour était absente de
ses yeux verts, il n’avait que de la répugnance à l’égard des femmes et il
estimait que Bob Ford flétrissait le nom du Missouri.
    Aussi, quand ils étaient ensemble, en règle
générale ne se disaient-ils rien, regardaient-ils partout ailleurs plutôt que
de poser les yeux l’un sur l’autre et suspendirent-ils une guirlande de fanions
afin de diviser la pièce et de séparer leurs affaires. Néanmoins, un jour, alors
qu’il farfouillait dans ses effets à la recherche d’une bague à quatre cents
dollars, sertie de diamant, dont il désirait faire cadeau à Dorothy pour
symboliser leur union de fait, Bob remarqua Kelly qui ricanait et marmonnait
tout seul ; il en déduisit des conclusions erronées et accusa son
compagnon de chambrée d’avoir volé l’anneau.
    Kelly fusilla Bob du regard pendant une
seconde ou deux, puis tendit à tâtons la main vers son calibre .45 et il le
pointait vers Bob quand le solide gardien de l’hôtel surgit dans la chambre et
maîtrisa par-derrière le fluet agresseur, qu’il empoigna par les bras et plaqua
contre le mur. Kelly jeta un coup d’œil entre ses jambes, actionna la détente
et désintégra le gros orteil du gardien, qui l’entraîna dans sa chute, terrassé
par la douleur. Kelly rampa jusque dans un coin et fixa avec fureur le sauveur
de Bob qui se tordait par terre, au martyre. Affalé dans un fauteuil comme un
simple spectateur, Bob, effaré, considérait le gâchis qu’il avait causé.
    « T’as toujours un ange gardien, hein ?
l’interpella Kelly. Il faut toujours qu’un pauvre crétin sauve ta misérable
peau ! »
    La police arriva, Kelly remit son pistolet à
un ami et, à la faveur des explications qui s’ensuivirent, Bob se glissa

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