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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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dès qu’il était question d’argent, exclusivement
préoccupé par les atteintes à sa propriété et à sa réputation, tenaillé par la
peur continuelle d’être assassiné. Mais dans le privé, c’était un homme
accommodant, indulgent et même aimant, un gentleman riche et intelligent rongé
par une culpabilité qu’il lui était impossible d’admettre.
    Il avait engagé une demi-mondaine dénommée
Dorothy Evans et s’était peu à peu entiché d’elle. C’était une fille de cow-boy
mignonne et potelée, pâle comme un camée, dont les formes amples donnaient
toujours l’impression qu’elle était enceinte de quatre mois. Elle avait de
longues tresses brunes maintenues par des barrettes qu’elle portait coiffées en
forme de huit au-dessus de ses oreilles, à la façon d’une paysanne anglaise. L’expérience
et les épreuves se lisaient dans son regard, des années à faire la moue avaient
remodelé ses lèvres, mais le reste de sa figure exprimait par ailleurs une attrayante
cupidité paraissant suggérer qu’elle était prête à accepter n’importe quoi tant
que c’était amusant. Elle était maligne, pragmatique, compréhensive, résolue et
tenait un compte rigoureux des pertes et profits qu’elle retirait de chaque
heure ouvrée pour son employeur ; et Bob était prêt à payer pour son
attention, sa compassion, son étalage de beaux sentiments et de respect.
    Dorothy s’était présentée au saloon de Bob en
réponse à une annonce dans un journal :
    BONNES DANSEUSES, gagnez de l’argent.
    RIRES À GOGO ! BEAUX VÊTEMENTS !
    Le salaire du péché n’est pas la mort, mais la fortune,
    la notoriété et la chance de faire un beau mariage.
    C’était au mois de
juillet et Bob tirait une remorque pour enfant rouge chargée de pains de glace
car il ne pouvait pas se permettre les cinq cents que coûtait la livraison
quand il se retrouva face à une jeune femme vêtue d’une longue robe verte
agrémentée de volants et de manchettes délicates. Ses mains étaient gainées de
gants gris rehaussés de boutons de diamant, elle était coiffée d’un chapeau de
soleil géorgien et portait, calée au creux de l’épaule, une ombrelle qu’elle
faisait légèrement tourner, comme pour faire ressortir son amusement à la vue
de cet homme tractant un jouet d’enfant.
    « Je m’attendais à quelqu’un de vieux et
laid, fit-elle.
    — Ce n’est pas ce qui manque, à Pueblo, répliqua
Bob. Qui cherchez-vous en particulier ?
    — C’est vous, Bob Ford ?
    — Et j’en suis fier. »
    Il s’imagina que ce devait être une
journaliste du genre de Nellie Bly, la pionnière du journalisme féminin, débarquée
de la ville pour écrire encore un article de plus sur la déchéance et le
déshonneur de Robert Ford. Mais elle déclara simplement :
    « Je sais chanter et jouer du piano. Je
suis ici à propos de cette place de danseuse.
    — Mince alors ! »
    Il s’empressa d’ôter les gants jaunes qu’il
était en train d’enfiler afin de transporter la glace à l’intérieur et ouvrit d’un
air contrit l’une des portes battantes à la jeune femme avant de l’inviter à s’abriter
du soleil et de la chaleur.
    Elle lui dit qu’elle s’appelait Miss Evans et
qu’elle avait été élevée dans un orphelinat tenu par les Sœurs de la Charité. Elle
n’avait eu en guise de jupe qu’un sac de farine jusqu’à l’âge de quatorze ans, où
elle avait épousé un ingénieur des mines de Denver. Il avait cependant été
emporté par une pneumonie et, mue par le désespoir, elle avait embrassé l’existence
de courtisane.
    « Vous voulez dire que vous êtes une
prostituée », intervint Bob. Elle avait posé les mains sur la table en
chêne et Bob effleura du bout du doigt l’un des boutons en diamant, qui s’avéra
n’être que de la verroterie. « Pas la peine d’enjoliver les choses avec
moi.
    — Je n’en ai pas honte, affirma Miss
Evans. C’est juste que j’aime le mot.
    — Vos services pourraient m’être utiles, si
ça vous tente.
    — Ça se pourrait. »
    Renonçant soudain à tout simulacre de
distinction ou de bon goût, elle sortit un étui à cigarettes doré de son sac et
Bob lui alluma sa cigarette. Un homme qui travaillait pour Bob fit irruption
dans le saloon en trimballant un pain de glace entre ses jambes à l’aide de
pinces. Il aperçut la cigarette entre les mains de la jeune femme et marqua un
temps d’arrêt, constellant le plancher de

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