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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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garderai ça en tête.
    — Et moi, tu sais où je serai », ajouta
Clarence.
    Jesse entreprit de se diriger vers le pavillon
en claudiquant.
    « Ça m’a fait plaisir », commenta-t-il.
    Puis arrivé sous la véranda, il darda vers Bob
un regard sourcilleux, comme s’il s’interrogeait déjà sur le bien-fondé de sa
décision.
    « Toi, petit, tu as des paquets à faire »,
fit-il.
    Et Bob lui emboîta le pas avec résignation.
    Ils déménagèrent au
1017 Troost Avenue pendant la nuit, afin que le voisinage ne puisse pas les
observer ni inventorier leurs possessions, et Bob porta à lui seul la majeure
partie de ce que Jesse appelait son bazar. Il pensait qu’après ça, Jesse lui
accorderait huit heures de sommeil, suivies d’un au revoir distrait, mais Jesse
n’y fit pas allusion, ni ce soir-là, ni le lendemain matin, et au bout de sa
seconde journée au sein du foyer de J. T. Jackson, Bob se prit à espérer
qu’on ne le renverrait pas et qu’on l’accepterait dans la famille comme un
cousin sympathique qui tiendrait lieu d’homme à tout faire pour Zee. Bob
suivait Jesse partout, le filait lorsqu’il partait faire un tour en ville, le
guettait depuis une stalle de l’écurie. Quand Jesse étrillait l’un de ses
chevaux, Bob étrillait celui d’à côté. Quand Jesse fumait un cigare, Bob fumait
un cigare identique. Ils se balançaient de concert dans leurs fauteuils à
bascule sur la véranda, se rendaient ensemble au Topeka Exchange, un saloon où
Jesse mettait parfois presque une heure à venir à bout d’un verre de bière, ce
qui ne l’empêchait pas d’affirmer ensuite qu’il était pompette. Bob ne condescendait
que rarement à exprimer son opinion lorsqu’ils discutaient. Quand on lui
parlait, il souriait en se dandinant ; quand Jesse palabrait avec quelqu’un
d’autre, Bob enregistrait leur dialogue tel un secrétaire, relevant chaque
inflexion, décodant chaque geste, chaque frôlement, comme s’il ambitionnait de
rédiger une biographie du hors-la-loi ou s’il cherchait à l’imiter.
    Un soir, Bob, Jesse et le fils de celui-ci, Tim,
longèrent un chemin de halage avec des cannes à pêche en bambou et lancèrent
leurs lignes dans le Missouri afin de pêcher quelques poissons-chats. Jesse
descendit la berge et pataugea dans l’eau peu profonde, une chique dans la joue,
le pantalon retroussé, enfonçant les pieds dans la vase froide du fond qui s’insinuait
entre ses orteils et se soulevait en nuages marron autour de ses mollets blancs.
Bob joua les nounous avec Tim sur la rive humide en pente raide, attrapant tour
à tour des insectes de sa leste main gauche, puis de sa rapide main droite. Tim
lui demanda le nom du pays jaune de l’autre côté de l’étendue verte
tourbillonnante du fleuve et Bob lui répondit le Kansas. Tim montra du doigt le
nord-ouest. Le Nebraska. Bob s’accroupit tout près de l’enfant, comme si l’oreille
de celui-ci était une fleur odorante.
    « Voilà ce qu’on va faire : tends
ton bras comme ça, déplie ton doigt, je vais te faire tourner dans le sens des
aiguilles d’une montre. En face de nous, c’est l’Iowa. Toujours l’Iowa. Toujours
l’Iowa. L’Illinois. Tu as déjà entendu parler de Chicago ?
    — Oui.
    — Eh bien, Chicago, c’est quelque part
dans l’Illinois.
    — Je voulais dire, non, je n’en ai jamais
entendu parler.
    — Tu ne connais pas Chicago ? »
    Tim haussa les épaules.
    « En fait, Chicago n’existe pas, mentit
Bob. J’inventais juste. » Tim lui jeta un regard bizarre, mais Bob
poursuivit : « Maintenant, tu es sur un radeau sur le Mississippi, tout
à l’est de l’État du Missouri. Tu descends vers le sud. Encore. Quincy. Alton. St Louis.
Cape Girardeau. Le fleuve Ohio et Miss Mississippi convolent, la miss grossit, tu
dépasses le Kentucky en un clin d’œil – c’est l’affaire d’une soixantaine de
kilomètres –, puis le Tennessee, pendant encore soixante kilomètres, puis ça
tourne et c’est l’Arkansas, l’Arkansas, l’Arkansas ! Et ensuite, gare à
ton scalp, fiston, tu te retrouves en territoire indien ! Choctaw, Chickasaw,
Cherokee, Creek et Séminole, des milliers de peaux-rouges qui s’égosillent et
qui te tirent des flèches dessus ! »
    Jesse avait regagné la rive et escaladait la
berge ; il avait à la main une branche d’érable, dont il arracha les
rameaux pour en faire un bâton. Il entendit la leçon de géographie et adressa à
Bob un

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