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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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sourire brunâtre maculé de tabac. Le soleil avait disparu et seule une
lueur orange au-dessus du Kansas rappelait encore son existence. Jesse
considéra les lignes et demanda si ça avait déjà mordu.
    « Je n’ai rien senti pour l’instant, Jess.
    — Les petits lapins ont de grandes
oreilles, Bob, l’admonesta Jesse.
    — Dave, se reprit Bob. Peut-être qu’il ne
fait pas encore assez nuit, Dave. »
    Jesse ouvrit son canif et tailla son bâton en
pointe en le tenant si près de ses yeux qu’il louchait. Les copeaux clairs
tombaient dans le fleuve deux ou trois mètres en contrebas et s’éloignaient en
flottant. Une fois le bâton appointé, il le donna à Tim.
    « Tu veux jouer avec ? »
    Sans répondre, l’enfant dévala la berge herbue
jusqu’à l’eau et jeta la flèche dedans. Jesse soupira en lorgnant son bâton
emporté par le courant, puis ôta le couvercle d’un bocal à conserves qui n’était
pas là la dernière fois que Bob avait regardé. Il s’en dégageait une odeur de
bière blonde. Jesse but et s’essuya la bouche et la moustache sur sa manche.
    « Tu en veux ? » proposa-t-il à
Bob.
    Bob avala une goulée, mais inclina trop le
bocal et se renversa de la bière sur le menton.
    « C’est bon ? » s’enquit Jesse.
    Bob sourit. « C’est le petit Jésus en
culotte de velours. »
    Jesse lui fit les gros yeux pour ce blasphème,
puis s’appuya en arrière sur un coude en faisant cliqueter des pierres dans sa
main.
    « On est pieux dans ta famille, Bob ?
    — Ciel, oui ! Mon père est pasteur à
temps partiel.
    — Riche ou pauvre ? »
    Bob réfléchit.
    « Prospère, je dirais. Il pourrait me
filer plein d’argent, mais sa philosophie, c’est qu’il est bon que ses fils en
bavent un peu, histoire de ne pas finir pourris gâtés.
    — Un homme de principes.
    — C’est comme ça que se définissent les
gens qui cherchent en fait à vous brimer. »
    Tim frappa la surface du fleuve avec une
planche échouée.
    « Qu’est-ce que tu fabriques là-bas en
bas ? » l’apostropha Jesse. L’enfant répondit qu’il laissait des
vairons lui chatouiller les doigts. « Ne te trempe pas trop, espèce de
petit sacripant », le gourmanda Jesse, qui, après un instant de réflexion,
se retourna vers Bob. « Tu as déjà rencontré Zerelda ? Mrs Samuels.
    — Je n’ai pas eu ce plaisir.
    — Ce n’est pas rien, ce que le Bon Dieu a
accompli en sa personne. Une géante. Deux mètres cinquante de haut. Si ça avait
été un homme, elle serait gouverneur aujourd’hui. »
    Jesse se mit en quête de ses chaussettes
rouges et les enfila sans prendre la peine d’enlever la vase qu’il avait sur la
plante des pieds et les chevilles. Puis il propulsa ses pieds dans ses bottes
et rentra le bas de son pantalon gris à l’intérieur.
    « Tu as déjà entendu des rumeurs comme
quoi Frank et moi on n’aurait pas le même père ?
    — Oui.
    — Il se raconte que c’est la raison pour
laquelle mon père est parti pour l’Ouest au moment de la ruée vers l’or – parce
qu’il avait trop honte. Qu’est-ce que tu penses, de cette histoire ?
    — Personnellement, ça m’intéresserait
plus de savoir ce que toi, tu en penses… »
    Jesse le fusilla du regard et gronda :
    « J’en pense que c’est un foutu mensonge.
    — Dans ce cas, je suis du même avis et si
un jour la question vient sur le tapis, je ne souffrirai pas qu’on dise le
contraire. » Bob quitta son tuyau de poêle et gratta l’indentation
circulaire que le chapeau avait laissée dans sa chevelure brun roux. « Puisqu’on
en est à se raconter des histoires, tu connais celle sur la bande des frères
James qui dévalise un train ?
    — Tu ne me donnes pas assez de précisions.
    — C’est une histoire drôle. »
    Jesse fit non de la tête, porta le bocal à sa
bouche et but un grand trait de bière.
    « Voilà, c’est Jesse James et sa bande
qui dévalisent un train et, comme en vrai, ils passent à travers les voitures
et dans l’une, il y a ce pasteur quaker, tu sais, un vieux schnock avec une
grande barbe et un sale caractère… Un vrai rabat-joie. Il est avec son épouse, très
collet monté, et elle tremble de frousse à côté de lui, pendue au bras de son
mari et tout ça. Tu es sûr que tu ne l’as jamais entendue ?
    — Je t’aurais déjà interrompu.
    — Comment c’est, après ? Que je ne
me plante pas… Ah ! Je crois que c’est toi, tu es dans le wagon

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