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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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sentimentalité de sa mère que pendant tout le reste du
déjeuner, il se permit à peine une ou deux observations facétieuses au-dessus
du beurrier et qu’après l’ouverture des cadeaux, vers quatre heures – il reçut
un flacon d’huile pour les cheveux au parfum raffiné et une cravate en soie
rouge –, il convainquit les Samuels que les Ford avaient prévu un réveillon ce
soir-là et qu’il avait promis à Charley d’y être présent.
    « Tu crois que tu pourras venir à bout d’une
autre oie ? » s’enquit Charley, entrant dans le jeu de Jesse.
    Jesse inclina la tête de côté.
    « Je ne sais pas. Mon pantalon proteste
déjà. »
    S’échangèrent ensuite, dehors, pendant
plusieurs minutes, des adieux à la criée, puis Jesse et Charley montèrent à
bord d’un phaéton tiré par deux chevaux et prirent la direction de l’est au
petit trot.
    « Miséricorde ! » soupira Jesse.
Il demeura silencieux pendant plus d’un kilomètre puis ajouta : « Elle
se demande pourquoi Frank est à Baltimore et moi, je me demande pourquoi je
suis là. »
    Charley complimenta Jesse à propos de toutes
les jolies choses dont regorgeait la maison et Jesse répliqua :
    « Un palais rempli d’or, de tapis et de
tableaux hors de prix ne vaut pas davantage que la boue sous tes semelles si la
paix n’y règne pas.
    — J’imagine », acquiesça Charley, avant
de découvrir les mérites du silence, qu’il explora pendant la majeure partie du
trajet jusqu’à Richmond.
    Mais à l’approche de la ferme de Martha, il se
souvint de Wood Hite qui se décomposait dans le lit de la rivière et imagina
son cadavre jauni – la peau fripée qui découvrait les dents déchaussées, la
bouche ouverte en un cri, les orbites béantes à la place des yeux – assis, pour
quelque obscure raison, sur le canapé, tel un pasteur itinérant de passage pour
le thé. Ils s’engagèrent en chassant sur le chemin cahoteux de la ferme et
Jesse guida les deux chevaux vers l’écurie en faisant claquer sa langue.
    Charley se leva de la banquette et la
couverture qu’il avait sur les genoux glissa sur le sol. Jesse ralentit l’attelage.
    « Quelle mouche te pique ?
    — Je ferais mieux de partir devant, des
fois que ma sœur soit à poil. »
    Jesse sourit.
    « Ce serait fendard !
    — Ou Ida. Tu sais comment sont les jeunes
filles avec les hommes – pudiques et tout et tout. »
    Avant que Jesse eût le temps de lui opposer
quoi que ce fût, Charley sauta de la voiture et tomba à genoux dans la neige. Il
s’épousseta énergiquement, puis s’élança d’un pas lourd vers la porte de la
cuisine.
    Bob était assis sur une chaise, blême et gêné,
les mains sous la table en chêne, tel un écolier pris en train de coller un
chewing-gum sous le plateau.
    « Dick est encore là ? lâcha Charley.
    — Kansas City.
    — Tu as des trucs à cacher ?
    — Jesse ? »
    Charley hocha la tête et ôta son manteau.
    « Il ne doit pas surprendre le moindre
clin d’œil entre nous. Il est aussi soupçonneux qu’un coyote et il n’a pas le
moins du monde confiance en toi. »
    Bob sortit un revolver armé de dessous la
table et ramena avec précaution le chien en avant.
    « Comme ça, c’est réciproque. »
    Jesse entra alors dans sa pelisse brun-rouge
en castor, du givre dans sa moustache et sa barbe brun sombre et des larmes au
coin des yeux à cause du froid. Il conversa amicalement avec Bob et plaisanta
en se dandinant devant le fourneau afin de créer une ambiance chaleureuse. Puis
alors que Charley se mettait à divaguer à propos de la météo, Jesse leur faussa
compagnie pour aller arpenter le premier étage et fourrer son nez dans les
penderies et les placards en quête d’indices compromettants. Ses pas au-dessus
de leur tête étaient légers : Bob se représenta Jesse qui poussait avec
douceur les portes fermées et celles-ci s’ouvrant gracieusement dans les pièces
enténébrées.
    Bob porta un doigt à ses lèvres pour faire
comprendre à Charley de se taire et les deux frères tendirent l’oreille. Jesse
bouscula une chaise, puis la replaça avec soin.
    « Il se pourrait que Dick prenne langue
avec Henry H. Craig, fit tout bas Bob à Charley.
    — Ah oui ? Et c’est qui, ça ? »
    Leur sœur entra dans la cuisine en refermant
une robe de chambre jaune. Sa chevelure auburn était décoiffée, car elle
émergeait du lit et son teint était pâle.
    « Tu lui as dit ?

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