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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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revolvers peut-être oublié, Bob ne put rassembler le courage d’agir.
C’était comme si quelque charme, quelque envoûtement le réduisait à la
passivité, à l’état d’infirme, le confondait. Il pouvait certes concevoir d’innombrables
chausse-trappes à l’attention de Jesse, ourdir mille façons de le tuer, mais il
craignait que le résultat fût à chaque fois le même : il repérerait une
occasion, puis il l’interpréterait, spéculerait sur ses conséquences, pèserait
chacune de ses options, chaque aspect et pour finir, le moment passerait où il
serait submergé de scrupules et sa conscience le réduirait à l’impuissance.
    Bob se consolait à la pensée qu’il ne
tergiverserait pas tant la prochaine fois – une fois où Jesse serait malade ou
profondément distrait, où les circonstances seraient idéales, où Bob aurait
suffisamment affermi sa résolution pour ne plus être autant en proie à l’incertitude.
Après tout, Bob n’avait pas encore vingt ans, alors que Jesse en avait
trente-quatre et déclinait physiquement ; chaque semaine retranchait à
Jesse les forces qu’elle conférait à Bob. Bob pouvait donc se permettre d’attendre
son heure, du moins si Jesse le lui permettait – et, évidemment, Jesse le lui
permettra.
    Sur ces considérations, Bob se glissa sous les
couvertures et ferma les yeux à l’imitation de Jesse. Il fut réveillé au lever
du soleil par du bruit dans la cuisine ; Charley ronflait encore à sa
gauche, mais le lit de camp en face de Bob était vide et au rez-de-chaussée, une
bouilloire siffla brièvement avant qu’on la retire du feu. Bob descendit l’escalier
à pas de loup et traversa le salon sur la pointe des pieds avec une démarche
ridicule jusqu’à la porte de la cuisine, puis avança la tête à l’intérieur.
    Jesse avait entassé ses vêtements à côté de la
baratte et tiré un baquet à lessive jusque dans le garde-manger ; debout
dans les quelques centimètres d’eau fumante, il se tordit un gant de toilette
plein de savon au-dessus de la tête, puis crachota l’eau qui lui dégoulinait
dans la bouche. Il ne s’aperçut pas de la présence de Bob dans la pièce. Il se
nettoya les coudes et les doigts avec une brosse à récurer, se rinça les bras, toussa
par deux fois, puis à nouveau et une toux violente de gros fumeur le secoua
pendant plus d’une minute. Bob sourit. « Tu es vieux, Jess, songea-t-il. En
ce moment même, tu es déjà en train de mourir. »
    Sa peau était aussi blanche que la toison d’un
mouton et les cicatrices sur son torse aussi rouges que des plaies. Son dos, ses
épaules étaient musclés, ses pectoraux striés de tendons et ses biceps se
gonflaient lorsqu’il examinait ses poignets avec délicatesse, mais la cheville
qu’il s’était brisée présentait des nodosités, des varices traçaient une carte
de géographie sur ses mollets, ses fesses étaient plates comme des livres, sa
peau plissée au niveau de ses reins et de sa gorge, ses côtes aisément
dénombrables, ses épaules craquaient quand il les faisait jouer et il avait
apparemment mal quand il se penchait. Les nombreuses blessures que lui avait
values son existence téméraire avaient précipité sa décrépitude et il
paraissait l’âge de Noé quand Cham l’avait surpris nu dans sa tente.
    Jesse toussa une fois encore, le poing devant
la bouche, se rinça la main dans l’eau, puis leva un coquillage qui tenait d’ordinaire
lieu de cendrier et se mouilla hiératiquement le chef. Ce fut alors seulement
qu’il se rendit compte que Bob l’épiait.
    « Dégage, fit-il.
    — Tu n’as même pas senti que j’étais là
alors que ça fait bien trois minutes au moins.
    — Tu en es sûr ? »
    Jesse enjamba le bord du baquet et prit pied
sur une chemise en flanelle rouge étalée sur le sol. Il se couvrit la tête avec
un torchon et se laboura le cuir chevelu en adressant un sourire équivoque à
Bob.
    « Peut-être que je cherchais à te berner.
Peut-être que toi et moi, on joue au chat et à la souris.
    — Je ne t’avais jamais vu sans tes
pistolets non plus. »
    Jesse saisit une serviette de bain sur une
chaise, révélant presque par inadvertance un revolver Remington d’une trentaine
de centimètres de long.
    « Ça n’arrive pas guère plus d’une fois
par an. »
    Mais Bob exultait.
    « Avant, personne ne pouvait prendre
Jesse James au dépourvu. »
    Jesse se coiffa de la serviette de bain
blanche comme d’un

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