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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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que tu ne comprends pas ? »
    Même s’il arrivait parfois à Jésus de s’affliger
de l’aveuglement de ceux qui l’accompagnaient, il leur répondait gentiment la
plupart du temps, et leur désir de se faire bien voir était tel qu’ils n’hésitaient
jamais à venir le solliciter.
    « Tu dis que tu es venu accomplir la Loi
et tu ne respectes pas le sabbat.
    — Parce que la Loi, si elle doit être
respectée, ne doit pas l’être à la lettre, mais selon son esprit, et cet esprit
est celui de mon père qui vous dit : “Aimez-vous les uns les autres.”
Quand la Loi va contre cet amour, il ne faut plus la respecter.
    — Mais que va devenir Israël si on ne
respecte plus la Loi ?
    — Israël va continuer de grandir et
regagner la place qui est la sienne.
    — Maître… Nous sommes tout petits, les
Romains sont partout et nous sommes isolés dans un monde rempli de païens. Si
nous ne respectons plus nos traditions, tout ne va-t-il pas s’écrouler ? »
    Il y avait une réelle crainte dans sa voix.
    « S’écrouler ici, dans ces plaines et ces
déserts, peut-être. Mais Israël sera grand dans le ciel, auprès de mon père. »
    Philippe, perplexe, regarda Jésus et se retira,
à court d’arguments.
    « Crois, Philippe, crois. C’est la seule
clé. »
    « Je ne
comprends pas ton père, vint à son tour dire Judas à Jésus. Pourquoi vas-tu
tout compliquer avec tes histoires d’amour et autres ? C’est simple, Dieu.
Il est la Loi, et il juge. Tu n’obéis pas à la Loi, tu fais un sacrifice pour
te faire pardonner. Tu veux un bienfait, tu pries ou tu sacrifies. Pourquoi
vouloir modifier tout cela ?
    — Parce que tu supprimes la fierté de
Dieu en faisant ainsi. Dieu ne répond pas à ton attente, comme un filet se
remplit quand le pêcheur le jette. Imagine que des travailleurs soient payés
pour un jour de moisson. Ils travaillent, et le maître leur donne leur paie. Mais
à la dernière heure arrivent d’autres travailleurs, et il y a encore du travail.
Le maître leur donne la même somme qu’aux autres. Cela te paraît injuste ?
    — Oui, bien sûr. Certains n’ont presque
rien fait, et les autres ont travaillé toute la journée…
    — En fait, ça ne l’est pas parce que le
maître a ouvert les bras à tous ceux qui voulaient le servir. Les rapports avec
Dieu sont les mêmes : pas des rapports d’échange, mais des rapports d’amour.
À partir du moment où tu Le rencontres, c’est sans restriction et sans limites.
Il faut se donner entièrement à Dieu. Mais c’est l’amour, non la Loi, qui se
met en place entre Lui et toi. Il faut venir à Dieu comme un enfant.
    — Un enfant ? Mais un enfant n’est
rien.
    — Les pauvres, les humiliés, les blessés
ne sont rien non plus. Et ce sont eux pourtant que Dieu attend. C’est la
miséricorde que Dieu veut, pas le sacrifice. »
    Jésus regarda Judas.
    « T’ai-je convaincu ? »
    Judas ne répondit pas.
    « J’aime bien cette histoire de paie. Je
crois que je vais m’en resservir, reprit Jésus avec malice.
    — Tu ne vas pas te faire que des amis au
Temple. »
    Jésus sourit : il savait que son ami
éludait, par cette remarque purement pratique, tout ce que son discours
éveillait en lui.
    « Sans doute pas. Mais je ne suis pas sur
terre pour me faire des amis. Pas que des amis, du moins », se reprit-il
en passant un bras autour des épaules de Judas.
    « Toi qui aimes
les enfants, en voilà un », reprit Judas, sarcastique. C’était Jean. Le
jeune garçon suivait Jésus d’aussi près que possible, et Jésus lui accordait
beaucoup d’attention.
    « C’est le petit frère que je n’ai pas eu.
Avec les miens, il n’y avait guère le temps de s’amuser », confia-t-il un
jour à Judas, chez qui cette remarque réveilla une jalousie vivace.
    « Au moins, toi, tu es heureux.
    — Heureux ? Je ne crois pas, non, répondit
Jean, soudain grave. Mais ce n’est pas ce que je cherche. Le bonheur est trop
fermé aux autres, trop égoïste. Ce que je veux, c’est aimer. Pas aimer une
femme (il rougit) ou aimer mes compagnons, non, aimer tout le monde, aimer l’enfant
qui a mal, le vieillard abandonné, la femme lapidée…
    — Et le Romain qui te frappe aussi, sans
doute ?
    — Sans doute, Judas, sans doute, même si
c’est difficile. »
    Judas ricana : il retrouvait tant ce que
disait Jésus dans les paroles de Jean qu’il était exaspéré de ce qu’il prenait
pour un insipide

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