Le Baiser de Judas
été fait
pour le sabbat ou le sabbat pour l’homme ? Crois-tu que Dieu se réjouisse
de vous voir souffrir alors qu’il est si simple d’arrêter de le faire ? »
Jacques ne répondit pas.
« Te souviens-tu du moment où David et
ses compagnons ont faim et où ils entrent dans la maison du prêtre Abathaïr ?
Ne mangent-ils pas les pains qui sont réservés aux prêtres ? David en a
même donné à ses amis. A-t-il été maudit pour cela ? Non. Et c’est bien
raconté dans votre Loi. »
Il avait dit « votre », pas « notre »
mais seul Judas sembla le remarquer.
« Alors… Ne vous laissez pas emprisonner
par les règles. Elles sont faites pour être contournées quand des intérêts
supérieurs sont en jeu. C’est pourquoi je suis supérieur au sabbat : parce
que Dieu est avec moi et qu’il voit plus loin que les prêtres et leurs règles. »
Philippe se tourna vers Judas.
« Il y va quand même un peu fort.
— Oui, mais il y va. Et si nous sommes
des centaines à y aller avec lui, ça va enfin bouger. »
Ils repartirent revigorés par ce discours. Jacques
continua de refuser l’épi que lui tendait Pierre, mais la plupart des membres
de la petite troupe s’en régalèrent.
De nouvelles
tensions surgirent bientôt. Ils étaient tous arrivés dans une maison de prière,
à une trentaine de stades de Tibériade. Comme d’habitude maintenant que les
miracles opérés par Jésus étaient connus, des malades attendaient. Parmi eux, un
homme exhibait une main enflée dont les doigts n’arrivaient plus à se plier. Il
la tendit à Jésus, lui expliquant que cela faisait une semaine qu’il ne pouvait
plus travailler. Si cela continuait, sa famille courait à la ruine. Jésus pouvait-il… ?
Jésus regarda la main. Barthélémy se glissa
près de lui.
« Maître, c’est sabbat aujourd’hui. Soigner
cet homme, c’est travailler. Tu n’as pas le droit. »
Parmi la dizaine d’hommes qui avaient suivi
Jésus et les siens dans la maison, l’un d’entre eux se leva.
« Cet homme a raison. Dieu a fixé des
règles valables pour tous. Qui que tu sois, tu n’as pas le droit de les violer. »
Alors Jésus se mit en colère. Il repoussa ceux
qui l’entouraient et s’avança vers le pharisien.
« Et que crois-tu qu’il vaille mieux ?
Laisser souffrir cet homme ? Penses-tu sincèrement que c’est ce que Dieu
veut ? Que parce que nous sommes samedi le mal l’emporte sur l’amour ?
Que pour des règles absurdes…
— Tu as bien dit “absurdes” ?
— Oui, cria Jésus, je dis “absurdes”. Je
dis “absurdes” comme je dis qu’est absurde toute souffrance que l’on ne peut
soulager. Je ne nie pas le mal, mais j’accuse de complicité ceux qui ne font
pas tout leur possible pour lutter contre. Sors d’ici si tu n’es pas capable de
comprendre cela. Tu n’es qu’un pauvre être, et ta vue m’offense. »
L’homme ne vit personne prêt à lui porter aide.
Certains des compagnons de Jésus avaient la main sur leur arme. Et ceux qui
désapprouvaient leur maître n’étaient pas pour autant disposés à s’engager
contre lui.
« Comment un pratiquant comme toi, qui
aimes et respectes la Torah, peut-il se comporter ainsi ? lui demanda un
autre homme, plus peiné que fâché. Fais attention à ce que tu fais, Jésus. Tu
ne seras pas toujours le plus fort, et il te faudra rendre des comptes. »
Jésus ne répondit pas. Il s’approcha du
patient et lui ordonna :
« Tends ta main. »
L’autre, inquiet de ce qu’il avait déclenché, se
tenait peureusement au fond de la maison.
« Allons, donne-moi cette main. »
Jésus la palpa.
« C’est là que cela te fait mal ?
— Oui, maître. C’est très douloureux, et
je ne peux plus bouger les doigts.
— Je vais moi aussi te faire mal, mais
cela ira mieux après. »
Il toucha la paume, puis, d’un coup, appuya
fortement au centre de la main. L’homme poussa un cri et retira ses doigts. Puis
il les amena près de ses yeux, et, lentement, commença à les remuer. Il éclata
alors d’un rire joyeux.
« Elle est guérie. Ah, tu me sauves. Merci,
maître, merci. Comment puis-je… »
L’homme était déjà à genoux. Jésus le releva.
« Va, et pense à faire autour de toi le
bien, comme je l’ai fait pour toi. Quel que soit le jour. »
La démonstration ne suffit pourtant pas à
Philippe, qui vint à son tour protester.
« Maître, je ne comprends pas bien.
— Qu’est-ce
Weitere Kostenlose Bücher