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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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monde. Prends-le avec vous. »
    Jamais sans doute Ciborée n’avait prononcé de
paroles aussi difficiles que celles-ci, qui la condamnaient à se séparer de son
fils et à le mettre en danger.
    « Mais utilise-le sans qu’il coure trop
de risques, murmura-t-elle.
    — Les risques, n’est-ce pas lui qui nous
les fera courir plutôt ? répondit-il. Il n’a que dix ans. S’il se faisait
prendre, qu’est-ce qui arriverait ?
    — Ne lui dis rien qui soit vraiment
important. Un enfant passe partout, vous pouvez en avoir besoin. Confie-lui
quelque chose, et explique-lui pourquoi. Il est capable de comprendre, tu sais.
Il a besoin de toi.
    — Je vais lui parler. Ne t’inquiète pas, tu
as bien fait de me l’amener. »
    Il vit au soulagement que provoqua cette
phrase combien Ciborée avait pris sur elle pour entreprendre ce voyage.
    Simon emmena alors Judas à l’écart. Pendant
deux heures, ils parlèrent. Il essaya de lui faire comprendre pourquoi il les
avait quittés. Il raconta son pays, cette terre qu’il aimait et qui était
foulée par des pieds impurs, il parla de Yahvé, l’unique, et de la nécessité de
Le défendre contre les faux dieux, il évoqua le messie à venir. Il expliqua la
mort d’Hérode et la prise de pouvoir par Archélaüs, puis la façon dont ce
dernier avait été déposé et envoyé à Vienne, très loin. Il précisa comment les
deux provinces juives étaient alors passées sous l’administration du
procurateur de Rome en Syrie, et comment, du même coup, les impôts avaient été
versés directement dans les caisses de Rome, ce qui avait provoqué la colère de
Juda. Il répéta tout cela en tentant de se rappeler ce que le Gaulanite lui
avait dit. Il ne comprenait pas très bien ce qu’était exactement cette Gaule où
était parti Archélaüs, mais fit un effort pour répondre aux interrogations de l’enfant.
Jamais il ne vanta la violence ni n’exalta la vengeance. Non : il présenta
la tâche comme nécessaire, justifiant tous les sacrifices, y compris ceux qu’il
faisait subir à sa famille, mais s’essayant à ne jamais la rendre exaltante. Il
réalisa aux lueurs qui s’allumaient dans les yeux de l’enfant qu’il avait
échoué sur ce dernier point, et il en fut brisé. Mais sans doute Ciborée
avait-elle raison, et cette contagion était-elle le prix à payer pour arracher
Judas au désespoir.
    « Est-ce que je pourrais vous aider ? »
    Il voulut dire non, mais eut peur de détruire
ainsi plus qu’il n’aurait construit. Alors il dit « Oui ». Et Judas
se trouva intégré à la troupe.
    *
    *   *
    Il n’eut pas le
temps de s’employer beaucoup avant la catastrophe qui mit fin à la rébellion. Partout,
pourtant, dans le pays, les foyers éclataient. À la Pentecôte, des émeutes
avaient embrasé Jérusalem, et les Juifs étaient montés sur les portiques du
Temple pour attaquer les Romains. En Idumée, deux mille soldats d’Hérode
avaient pris les armes contre les troupes d’Achab, le cousin du roi. En Pérée, un
esclave royal, Simon, s’était proclamé roi, et avait brûlé le palais de Jéricho
et plusieurs villas. Un simple berger, Athrongéos, aspirant au trône, avait tué
plusieurs Romains dans ses montagnes.
    Judas, lui, se
contentait de faire la liaison entre les villages où un noyau s’organisait, et
Chorazim. Un homme passait régulièrement chez sa mère et laissait des messages
ainsi que la liste des endroits où aller les porter. Judas parcourut la région,
allant des approches de Césarée au lac de Tibériade. Il partait souvent avec un
âne et une charrette, parfois pour plusieurs jours. Chaque fois, à sa
destination, un homme l’attendait et prenait le message. Quand il savait écrire,
c’était un papyrus codé. Sinon, Judas devait dire le texte de vive voix. Son
jeune âge l’aidait à passer les barrages romains et le rendait moins
susceptible qu’un homme mûr d’être attaqué par des brigands. Un jour, il eut à
porter un paquet jusqu’à Sepphoris. Une route bordée de colonnes pénétrait au
centre de la ville, longue suite de magasins. Il y avait un théâtre, des
temples, et beaucoup d’étrangers dont il ne comprenait pas la langue. Il se
perdit dans le marché, le plus gros qu’il eût jamais vu, et mit deux heures
avant de trouver la boutique où il était attendu.
    Cela dura quatre mois, pendant lesquels l’enfant
fit deux fois par semaine des voyages, tandis que Ciborée était dévorée

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