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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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abattant les maisons, démolissant les
entrepôts, mettant le feu aux magasins. Pendant trois jours, les cris et la
fumée envahirent l’espace. Des centaines et des centaines de gens furent
crucifiés.
    À Jérusalem aussi, malgré une résistance
héroïque, les légions romaines vinrent à bout des insurgés. Les portiques du
Temple furent incendiés. Athrongéos et Simon se rendirent après des combats
désespérés. Deux mille hommes furent condamnés à la croix. Et Judas perdit un
père.

CHAPITRE 4
    Après la mort des condamnés, le village se
replia sur lui-même. Des tensions naquirent entre ceux qui avaient combattu et
ceux qui avaient refusé de le faire. Plusieurs parents de crucifiés reprochèrent
aux familles des meneurs d’avoir entraîné les leurs à la mort. Ciborée sentait
hors de chez elle une sourde hostilité s’attacher à ses pas. Un jour, la mère d’un
apprenti charpentier crucifié avec Simon se jeta sur elle, l’insultant et
cherchant à la frapper. Judas dut gifler la femme. Elle s’écroula en pleurs, mais
personne ne soutint le jeune homme et ceux qui avaient assisté à la scène le
virent relever sa mère, bouleversée, sans lui marquer aucune sympathie. « Caius
aurait-il réussi à faire ce que Pharaon n’était pas parvenu à accomplir ? »
lança-t-il un jour à un groupe d’hommes réunis devant la kenesset. On lui
conseilla de s’occuper de problèmes de son âge, on lui fit valoir l’échec de la
tentative du Gaulanite. Les pluies d’automne, qui commencèrent tôt cette
année-là, rajoutèrent à la tristesse ambiante.
    Il retourna alors à la poterie. À douze ans, il
se trouvait d’un coup chef de famille. Simon ne leur avait rien laissé, et la
générosité spontanée qui s’était exprimée alors que tout le village savait que
le potier avait rejoint les rebelles s’émoussait maintenant que son action n’avait
mené qu’à la catastrophe.
    Judas fit tourner l’atelier seul. Il
travaillait beaucoup pour lui-même, sculptant des formes étranges, faisant
cuire des vases irréguliers, des verres qui n’étaient pas droits. Il essaya de
nouveaux mélanges de glaises, s’entraîna à décorer à la mollette ses pots, se
risquant à des dessins inhabituels. Il prit l’habitude d’aller de plus en plus
vendre sa production dans les grandes villes : Capharnaüm, Bethsaïde, Tibériade.
    Il dut aussi se mettre à la pêche, partir sur
le lac et se faire enrôler par un bateau qui manquait de bras. D’autres fois, avec
un filet que Ciborée avait raccommodé, il tenta d’attraper quelques poissons
depuis le bord. Mais cela produisait peu, et les pêcheurs voyaient d’un mauvais
œil l’arrivée de tous ces amateurs, plus nombreux depuis la répression.
    Il lui arrivait de céder au découragement, quand
il voyait les menus familiaux se réduire à quelques dattes et quelques olives, quand
il voyait la petite Hannah pleurer parce qu’elle avait faim, quand un seul
poisson faisait fête. La chance lui sourit pourtant un jour au marché de
Tibériade. Il n’aimait pas la ville, bâtie de quelques villas de fonctionnaires
et de courtisans installées autour du palais d’Hérode, mais le marché en était
fréquenté par une clientèle assez riche. Arrivé tôt le matin, il avait déposé
sur un tapis ses poteries quand une Syrienne de Jérusalem tomba en arrêt devant.
    « D’où sors-tu ceci ? » lui demanda-t-elle.
    Elle désignait deux vases aux formes
irrégulières qu’il avait fabriqués la veille pour lui, et oublié de sortir du
lot qu’il voulait aller vendre.
    « Ceux-là, là. Ils sont étonnants. Tu les
vends, bien sûr ? »
    Elle n’était pas seule, et sa découverte
suscita aussi l’enthousiasme de ses compagnons.
    « Combien en demandes-tu ? »
    Il ne sut que répondre. Un marchand de
volailles, passant derrière lui, lui glissa dans un sourire : « Tu
peux y aller, ils sont riches. »
    Il le fit et obtint ce qu’il demandait. La
Hiérosolymite lui demanda s’il avait d’autres vases. Le lendemain, il ramena l’ensemble
de sa production. Elle l’accueillit à son auberge, seule dans sa chambre. Il ne
comprit pas tout ce qu’elle attendait de lui. Elle fut déçue, mais paya. Ils eurent
ainsi miraculeusement de quoi passer l’hiver.
    Leur situation dans
le village s’améliora. Avec le retour des jours plus doux, les rancœurs s’atténuèrent
et seules deux ou trois familles, dont celle de Josué,

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