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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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pour le
colosse qui lui avait ainsi fait vivre ce moment de grâce.
    Barabbas attendit un peu puis alluma plusieurs
foyers. Dès que les flammes coururent, les deux hommes s’éloignèrent.
    Le retour se passa
sans problèmes. À Aïn Douq, un relais avait permis de cacher la plupart des
armes, le reste étant rapporté jusqu’à la grotte. Dès les premières heures de
la journée, les routes furent barrées par des patrouilles romaines.
    Le butin fut distribué. Il y avait maintenant
de quoi armer les nouveaux arrivants. Une grande fête célébra le succès de l’opération.
Barabbas tenta de la contenir dans les grottes les plus lointaines, mais le vin
qui coula à flots réduisit ses efforts à néant. Judas se sentait à la fois
enthousiaste et inquiet : l’envie de combattre lui interdisait de tenir en
place.
    Les coups de main se firent plus nombreux. Attaques
de convois et assassinats de soldats isolés se succédèrent. En quelques jours, les
légions romaines furent sur les dents. L’habileté des troupes de Barabbas était
telle que, dans les deux premiers mois, alors qu’une cinquantaine de
légionnaires tombaient sous leurs coups, seuls deux des rebelles furent tués. Judas
reçut sa première blessure lors d’une échauffourée. D’une main leste, un Romain
l’avait frappé au front, heureusement avec une simple dague : un glaive
lui eût éclaté la tête jusqu’au cou. Du plantain amolli dans de l’esprit de vin
fut mis sur la plaie, qui guérit assez rapidement, suffisamment en tout cas
pour que le jeune homme en tire plus de fierté que d’amertume.
    Il y eut plusieurs
arrestations. Trois des plus nouvellement arrivés, refusant la période de
travaux et de claustration imposée par Barabbas, tentèrent de s’attaquer à un
convoi particulièrement bien gardé pour prendre en otages deux marchands
abyssins. Tout le monde leur avait déconseillé cette action. Ils n’en tinrent
pas compte. Ils furent emprisonnés et crucifiés.
    Mais les esprits furent surtout marqués par l’arrestation
d’un jeune homme avec qui Judas avait beaucoup sympathisé, un nommé Abdias qui
l’avait accueilli à la cuisine. Abdias était peu doué pour l’action pure, mais
Barabbas tenait à ce que personne ne puisse y échapper totalement. Ce jour-là, il
était allé porter un message quand il était tombé sur une patrouille romaine. Pour
s’enfuir, il s’était battu, avait touché l’un des Romains et grièvement blessé
un vieux Juif qui les accompagnait. L’homme était un sadducéen retiré des
affaires, le plus important notable du village de Tabgah où il était venu finir
ses jours. Il était sincèrement généreux, et le village espérait bien profiter
de l’argent qu’il avait pris avec lui. Sa rage de le voir périr aussi bêtement
fut immense.
    Abdias resta emprisonné toute l’après-midi et
fut interrogé par les soldats. Puis les habitants du village vinrent le
chercher. Les Romains le laissèrent emmener à la fosse de lapidation, où les
corps des trois derniers condamnés (deux amants adultères, et un voleur pris
sur le fait) finissaient de pourrir. Abdias comprit tout de suite ce qui l’attendait,
et se tint fièrement debout, du moins jusqu’à la première pierre. Elle avait
été choisie particulièrement pointue, et lancée avec précision par le fils de
la victime. Elle lui éclata les lèvres et lui fit sauter quatre dents. Quand la
deuxième le toucha près de l’œil, il hurla, puis s’affala, la tête sous les
bras. Chaque habitant prit sa pierre, et s’approcha jusqu’à le toucher. Quand
ils s’arrêtèrent, son corps n’était plus qu’une plaie sanglante. Des petits
morceaux de chair parsemaient le sol de taches rosâtres qui allaient vite
brunir au soleil. De deux coups de pied, les parents de la victime firent
basculer le corps au fond de la fosse.
    Quand il apprit ce qui s’était passé, Judas s’éclipsa.
Il rampa de nuit jusqu’à la fosse, y sauta, vomit deux fois à cause de l’immonde
odeur de charogne qui en montait, et chercha le corps d’Abdias, le seul que la
vermine n’avait pas encore envahi. Il le souleva, tout en s’étonnant de son
faible poids, et le prit dans ses bras pour le ramener vers les grottes et l’ensevelir
dignement. Le voyage de retour lui prit quatre heures, pendant lesquelles il
chuta souvent mais n’abandonna jamais. Quand il arriva, il était lui-même
couvert de sang séché. La sentinelle ne le reconnut

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