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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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craignant à chaque instant que l’un des
participants ne se lève pour l’accuser d’être l’imposteur qu’il était
effectivement. Il ne savait pas se servir des instruments extrêmement curieux
qu’on déposait sur la table et n’osait utiliser le moindre d’entre eux qu’après
avoir vu un autre le faire. À deux reprises, il renversa de là nourriture. Le
vin que l’on servit, et dont les raisins avaient été fumés au feu de bois, était
très fort, bien plus que celui auquel il était habitué. Quand il voulut en
parler, son accent galiléen le trahit et il dit haro (âne) au lieu de hamar (vin), ce qui provoqua l’hilarité de Malachie. Il retourna dans sa
chambre avec le sentiment d’avoir été ridicule. Les précautions de Jephté
avaient quand même évité le pire : les enfants s’attendaient à quelque
chose de tellement énorme qu’ils furent surpris, voire déçus, que le cousin ne
parût pas à ce point venir d’un autre monde, et le cœur de mère de Lavinia
fondit devant les maladresses répétées du jeune homme.
    Le premier Romain ne
rendit visite à Jephté que quelques jours plus tard. C’était un simple décurion,
qui venait prendre commande d’un tapis précieux pour l’un des adjoints du
procurateur. Pour des achats de ce prix, Jephté recevait les clients aussi bien
chez lui que dans sa boutique. Les marchandises précieuses stockées n’importe
où gênaient le passage, provoquant l’exaspération des deux enfants : c’était
de la verrerie de Sidon, de la pourpre de Tyr, des papyrus de Jéricho…
    Quand le décurion entra, Judas traînait près
du triclinium, qu’il se refusait d’ailleurs à appeler ainsi. Un réflexe le fit
se jeter derrière une colonne, le cœur battant, à la vue de l’uniforme. Jephté
accourut. Ils parlèrent une quinzaine de minutes pendant qu’Hannibal
empaquetait le tapis que le décurion chargea sur ses épaules, puis le marchand
raccompagna son client à la porte, fit un petit bout de chemin avec lui et
revint, un sourire ravi aux lèvres. C’est alors qu’il aperçut Judas, encore
pâle de la tension qu’il venait de subir.
    « Que fais-tu là ? Ça ne va pas ? »
    Le ton était bienveillant et le gros homme le
regardait presque avec tendresse, tant il était content de son affaire.
    « Tu vas livrer chez lui ?
    — Oui. Moi ou un des employés. Pourquoi ?
    — La loi interdit à un Juif d’entrer dans
la maison d’un gentil. Ne le sais-tu pas ? »
    Jephté regarda son hôte avec une aimable
compassion. Judas se sentit alors pris pour lui d’une haine extrême.

CHAPITRE 11
    De ce jour-là, il sortit beaucoup plus. L’ambiance
de la maison lui était insupportable, et encore plus celle de la boutique. Par
Nicodème, il avait reçu plus d’argent de poche qu’il n’en avait jamais eu. Ses journées
se passaient à errer le long des rues, se laissant mener jusqu’à se perdre dans
le grouillement des foules de pèlerins. Il s’était aventuré dans la rue des
tailleurs, dans celle des tisserands, celle des bouchers. Il était entré
regarder les ouvriers tanneurs traiter les peaux des animaux sacrifiés dans une
forte odeur d’acide, sous une voûte basse éclairée par quelques trop rares
lucarnes. Il s’était enivré des effluves du quartier des parfumeurs, croisant
les potiers, les foulons, les tailleurs de pierre, tous les artisans de la
ville basse au service des classes sacerdotales de la ville haute. Il s’intéressait
à leur métier, aimait écouter les explications de ceux qui avaient la patience
de lui en donner. Il s’habitua à la richesse des marchés, à voir déborder les
figues et les grenades, la coriandre et l’anis, le thon de la mer Rouge et les
truites du Jourdain.
    Une fois rentré chez
ses hôtes, il sentait l’hostilité grandir autour de lui : il n’était
jamais ni aimable ni courtois, n’assistant pas à tous les repas, faisant peu d’efforts
pour manger correctement, se donnant l’illusion que sa grossièreté attaquait
les Romains en humiliant ceux qui les servaient. Jephté avait pourtant obtenu
que personne ne lui fît de reproches.
    Un soir, il remit ses vieux habits et se
rendit chez Marie. Il lui fit l’amour plusieurs fois, lui laissa beaucoup d’argent.
Quand elle lui demanda d’où il tenait cette fortune et, intriguée, chercha à
savoir ce qu’il était devenu, il comprit l’imprudence qu’il était en train de
commettre.
    « Judas ? lui
demanda un

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