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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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le suivre. Aussi je suis prêt à l’aider. Je vais te faire passer pour un
membre éloigné d’une famille amie, venant d’Abilène. Tout ce que je dis est
clair pour toi ?
    — Oui, maître.
    — Quel âge as-tu ?
    — Vingt-trois ans.
    — Les amis dans la famille desquels tu
vas t’introduire sont de braves gens, qui manquent à la fois un peu de
conscience et de courage. Lui est marchand de parfums et de tissus, très proche
des pharisiens et des milieux du Temple. Sans leur être soumis, il traite avec
les Romains. Par eux, tu seras là où notre ami souhaite que tu sois. Je leur ai
dit que tu étais le fils d’un ami résistant tué par les Romains, sans parler
plus avant de ton rôle, dont je ne sais d’ailleurs pas tout et dont je ne veux
pas tout savoir. Je les crois sympathisants de notre cause, mais leur statut d’étrangers
les rend à la fois fragiles et prudents. Ils te recueillent pour rendre service.
Après, c’est à toi de te faire accepter. »
    Nicodème tendit sa main vers un vase, et y
laissa baigner ses doigts qu’il essuya ensuite à un tissu.
    « Nous avons essayé de simplifier au
maximum les problèmes que pouvait poser ton passé. Tu es censé être un de leurs
lointains cousins, fils d’un petit-neveu du grand-père de ton hôte, qui est
effectivement parti il y a des années. Ce serait vraiment un coup de malchance
qu’il se décide à reparaître après si longtemps. Tes parents sont morts, et c’est
à la suite de ce décès, ruiné et totalement désemparé, que tu as écrit à ta
famille de Jérusalem, qui accepte de te recevoir. Sois au début évasif sur
Abilène, où tu es censé avoir vécu, puis imprègne-toi des souvenirs de tes
hôtes. »
    Un domestique, sans qu’il l’ait appelé, apporta
son manteau à Nicodème. Judas eut comme le sentiment d’une apparition magique.
    « Pour votre première rencontre, je vais
venir avec toi… Ce n’est pas loin. »
    Malgré l’heure tardive, les rues étaient
encore encombrées. Les gens s’écartaient devant Nicodème, qui tourna une fois à
droite, une autre à gauche, puis s’arrêta devant une grille. La maison que l’on
entrevoyait derrière était à la mode grecque. Un domestique ouvrit la porte et
les escorta jusqu’à l’intérieur, après leur avoir fait traverser un jardin avec
des bassins fleuris, des bosquets d’oléandras et une vaste cour à péristyle.
    La pièce dans laquelle il les fit entrer était
remplie de vases, de tapis, de poteries, d’objets divers. Des cadres de
végétaux tressés obturaient les fenêtres, ne laissant passer qu’une lumière
diffuse. Il y avait là, opposé à l’élégante rigueur de la demeure de Nicodème, un
foisonnement, un bric-à-brac qui avait à la fois le côté déplaisant de l’entassement
et la chaleur du désordre.
    « Seigneur Nicodème. Que ne m’as-tu
prévenu de ta visite ? »
    Spontanément, l’homme qui venait d’entrer s’exprimait
en un grec, langue de tous les marchands, qu’il abîmait d’un fort accent
araméen.
    « Elle sera courte. Je suis juste venu t’amener
notre protégé.
    — Ah, mon futur cousin… »
    Il était vêtu avec la même richesse et la même
absence de goût que sa maison était décorée. Gras, le corps couvert d’une
tunique d’un seul morceau, les doigts chargés de bagues, un sourire à la fois
mielleux et avenant aux lèvres, il fixait Judas avec des yeux dont l’intelligence
acérée tranchait avec sa bonhomie. Il était glabre, à la mode romaine, quand
tout Juif se devait de porter la barbe.
    « Tu vas donc vivre avec nous, maintenant ? »
    Judas ne savait trop quelle attitude adopter :
rien de ce qu’il voyait ne lui plaisait, et pourtant il devait montrer sinon de
l’enthousiasme, du moins de la sympathie.
    « Je m’appelle Jephté. Tu verras, ta vie
ici sera sans doute… sans doute très différente de celle que tu as connue. Mais
je ne doute pas que tu sauras t’y adapter. »
    Nicodème regardait l’œil ironique cette prise
de contact hasardeuse.
    « Le mieux est peut-être que je demande
que l’on te montre tes appartements. Pendant ce temps, le seigneur Nicodème me
fera bien l’honneur de…
    — Malheureusement pas, non. Je dois
rentrer très vite.
    — Ah bon, ah bon. »
    Le gros homme semblait désemparé. Il tourna un
peu sur lui-même, puis se décida à raccompagner Nicodème. Quand il revint, Judas
n’avait pas bougé, et il parut lui en vouloir du brusque

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