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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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accepté de cette famille, je
ne vois pas pourquoi Gratus me préviendrait avant de lancer ses troupes.
    — Ne te fais pas plus bête que tu n’es. Tu
peux toujours entendre des bruits, des déclarations, capter des frémissements… J’ai
cru que la seule présence de Dieu à nos côtés permettrait que nous triomphions :
il n’en a pas été ainsi. C’est sans doute Sa volonté. Il nous faut apprendre à
utiliser d’autres armes.
    — En attendant toujours la venue du
messie ?
    — En attendant des jours meilleurs. Judas,
je sais que je te demande beaucoup, et que tu préférerais te battre le glaive à
la main, comme tu l’as déjà fait. Mais l’heure de ces combats-là est
momentanément passée. Elle reviendra. Tu peux nous aider à préparer ce retour. »
    Il le dévisagea avec une douceur inaccoutumée.
    « Nous ne t’oublierons pas. Tu seras
toujours à la tête de la lutte. »
    Judas à son tour fixa longuement Barabbas. La
crise qui se nouait en lui se lisait sur son visage, et il dut s’arracher les
mots de la bouche pour acquiescer :
    « Quand dois-je m’installer dans mon
nouveau chez-moi ? »
    Judas dit simplement
à Samuel qu’il allait devoir partir, dans le courant de la semaine sans doute. Le
potier ne posa pas de questions.
    « Tu me manqueras, petit », dit-il à
Judas. Il écrasa une larme. L’adolescent faillit se jeter dans ses bras, mais
Samuel se mit à bougonner :
    « Comment je vais faire moi, maintenant, avec
toutes ces commandes que tu n’assureras plus… »
    Il retourna vers son tour, et ne releva plus
la tête une demi-heure durant. Judas sourit, le cœur triste.
    Il partit quatre
jours plus tard. Un jeune homme vint le chercher et l’emmena à l’ouest de
Jérusalem, vers les quartiers riches. Tout le long du trajet, ils croisèrent de
ces gens curieusement vêtus que Judas ne s’habituait pas encore à voir : Syriens,
Nabatéens, Chypriotes, Hulathiens… Ils entrèrent par la porte Dorée, longèrent
le Temple et la forteresse Antonia, fendirent la foule nombreuse qui encombrait
le parvis, et s’arrêtèrent devant une grande maison de deux étages cernée de
murs.
    « C’est ici qu’habite Nicodème, fils de
Gorion et chef d’une des plus grandes familles de Jérusalem. Il veut te
rencontrer. Entre. »
    Le jeune homme l’abandonna là, après avoir
agité le petit heurtoir en bois. Une Nubienne vint ouvrir la porte. Un système
de canaux maintenait dans le jardin une fraîcheur insoupçonnable du dehors. Plusieurs
cours se succédaient, plantées de caroubiers, de noyers, d’abricotiers.
    L’intérieur de la maison était encore plus
somptueux. Les objets, rares mais disposés avec un soin méticuleux, étaient
tous magnifiques. Judas avait l’impression de se trouver dans une version
miniature du Temple. La Jérusalem qu’il avait fréquentée ne lui avait encore
réservé aucune vision de cette ampleur.
    « Tu es le jeune homme dont on m’a parlé ? »
    L’homme qui apparut devant Judas était âgé, mais
d’une grande prestance. Une barbe blanche lui grignotait le visage, soigneusement
délimitée par le rasoir. Un nez fort, des yeux graves, un entrelacs de rides
marquaient à la fois son âge et sa sagesse.
    « Je suis Nicodème. Je suppose que notre
ami commun t’a parlé de moi ? »
    Judas n’avait jamais encore rencontré de
membre du Sanhédrin et il ne put, malgré ce qu’il savait de leurs compromissions,
s’empêcher d’éprouver un craintif respect.
    « Ne t’étonne pas de me voir à vos côtés :
notre noble assemblée est déchirée par plusieurs courants, et tous n’ont pas
pour nos occupants la même complaisance. C’est pourquoi j’ai pris contact avec
notre ami. »
    Il évitait soigneusement de prononcer le nom
de Barabbas. Judas en fit spontanément autant.
    « Il t’a expliqué ce que nous souhaitions
de toi ? »
    La voix de Nicodème était chaleureuse, et mit
Judas plus en confiance que le geste que fit le vieil homme pour qu’il s’approche.
    « Je n’approuve pas tout ce que fait
notre ami, et nous en avons déjà longuement discuté. Il me semble, et ma
participation au Sanhédrin est pour beaucoup dans cette conviction, que l’on
peut tenter de sauver notre peuple d’une autre manière qu’en diabolisant les
Romains. Mais je crois aussi que la voie qu’il prêche, si sa violence me rebute,
ne peut être ignorée, et qu’il faut protéger ceux de nos frères qui ont choisi
de

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