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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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ne s’intéressait pas à la pièce ; une doublure avait dû remplacer au pied levé, dans le rôle de la grand-mère, Patricia Ferry, qui était arrivée trop saoule pour pouvoir entrer en scène, et Michael avait eu beaucoup de mal à éviter toutes sortes de catastrophes. Il dirigeait le plateau de Printemps tardif, qui comportait trente-sept personnages, dont trois enfants toujours entre deux rhumes, et cinq décors qui devaient être changés en vingt secondes. À la fin d’une soirée comme celle-ci, il n’aspirait qu’à rentrer chez lui et à dormir. Mais il y avait cette satanée party, dans la 6 7 e Rue, où il devait retrouver Laura. Et, de toute manière, personne ne se contentait de dormir, la veille de la nouvelle année.
    Il sortit du plus épais de la foule, gagna d’un pas vif la Cinquième Avenue, et tourna vers le nord. La Cinquième Avenue était moins encombrée, et l’air soufflait du Parc, frais et revigorant. Le ciel était assez sombre au-dessus de la rue pour qu’il puisse distinguer quelques pâles étoiles dans l’étroit corridor de firmament visible entre les sommets des hauts immeubles.
    « Il faut que j’achète une petite maison à la campagne, pensa-t-il en hâtant le pas, un petit endroit pas cher, non loin de la ville, six à sept mille dollars, peut-être, – je trouverais toujours à emprunter l’argent, – où je puisse me retirer de temps en temps, où l’on puisse être tranquille et voir toutes les étoiles à la fois et se coucher à huit heures quand on en a envie. Il faut que je le fasse, pensa-t-il, il ne faut pas que je me contente d’y penser. »
    Il s’aperçut dans le miroir d’une vitrine obscure. Son reflet était irréel et sombre, mais, comme d’habitude, ce qu’il vit l’ennuya. Vexé, il se redressa. « Il faut que je prenne garde à ne pas me voûter, pensa-t-il, et que je perde une quinzaine de livres. J’ai l’air d’un gros épicier. »
    Au coin d’une rue, un taxi s’arrêta près de lui. Il le refusa. « Faire de l’exercice, pensa-t-il, et ne pas boire pendant au moins un mois. Voilà ce qui me fait engraisser : la boisson. Bière, Martini, remettez-nous ça ! Et on a une de ces têtes, le lendemain matin ! On n’est bon à rien jusqu’à midi, et, à midi, on déjeune et on se retrouve le verre à la main… Le début d’une nouvelle année. Juste le moment qu’il fallait pour commencer une nouvelle vie. Ce soir, à la party. Ce serait une excellente épreuve pour sa volonté. Ne pas boire. Simplement. Sans que personne s’en aperçoive. Et à la maison de campagne, pas de bar du tout. » Il se sentit mieux soudain, puissant et résolu, bien que le pantalon de son habit de soirée lui parût inconfortablement étroit, et continua sa route, le long des riches vitrines, vers la 6 7 e Rue.
    Minuit venait de sonner lorsqu’il pénétra dans la pièce encombrée. Les gens chantaient et s’embrassaient, et cette fille qui s’évanouissait à toutes les parties venait de le faire une fois de plus, dans un coin. Whitacre repéra sa femme, dans la foule. Elle embrassait un petit homme qui sentait son Hollywood à plein nez. Quelqu’un lui mit un verre dans la main. Une grande fille lui renversa de la salade de pommes de terre sur l’épaule et dit :
    –  Excellente salade !
    Elle brossa vaguement son revers souill é, d’une main soignée, aux ongles pourpres longs de trois à quatre centimètres. Katherine se dirigea vers lui, avec assez de sein à l’air pour dégeler une banquise, et dit :
    –  Mike. Bonsoir, chéri.
    Elle l’embrassa derrière l’oreille, et dit :
    –  Qu’est-ce que tu fais, cette nuit ?
    –  Ma femme est arrivée hier de la Côte, répondit Michael.
    –  Oh, pardon ! dit Katherine. Bonne année.
    Elle s’éloigna, seins braqués, éblouissant troi s juniors de Harvard en cravates blanches et cheveux tondus, qui étaient parents de l’hôtesse et venus en ville pour les vacances.
    Michael leva son verre et but la moitié de son contenu. Ce devait être un mélange de scotch et de limonade au citron. Il serait temps, demain, de tenir la promesse qu’il s’était faite à lui-même. Il avait déjà bu trois verres, et la nuit était perdue, de toute façon. Il attendit que sa femme ait fini d’embrasser le petit homme chauve à moustaches tombantes de cavalier russe, puis traversa la pièce et se planta derrière elle. Elle tenait la main du petit homme et disait :
    – 

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