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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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lorsqu’une autre voix puissante s’éleva. Ravi de l’entendre à nouveau, je m’assis brusquement dans mon lit et oubliai aussitôt ma génitrice.
    —    Par le gros cul puant du diable, dame Nycaise, on ne fait pas des guerriers avec des fillettes effarouchées ! tonna Bertrand de Montbard en s’approchant de moi, claudiquant sur la jambe de bois que lui avait façonnée Ugolin. La souffrance et la douleur rappellent à un guerrier qu’il est vivant. Ses cicatrices sont autant de médailles ! Quiconque ne peut endurer cela serait mieux avisé de se faire moine ! Et tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.
    —    Alors, pardieu, je crois bien que me voilà devenu un surhomme, répondis-je en riant de bon cœur.
    Mon maître s’esclaffa à son tour et m’administra une grande claque amicale sur l’épaule droite. Un éclair y éclata et se répandit dans ma poitrine pour se loger dans mon cœur. Il sauta un ou deux battements avant de reprendre son rythme normal.
    —    Tu vois, bougre d’excès d’huile de reins ? fit-il. Tu as mal ! Tu es bien vivant !
    —    Un peu plus que je ne le voudrais, oui, gémis-je en grimaçant.
    Je massai mon épaule endolorie. Lorsque je relevai la tête, tous
    mes morts étaient revenus et m’entouraient.
    —    Tu as réussi, Gondemar, déclara sire Ravier de Payns, pâle et amaigri, mais un sourire paternel sur les lèvres. Grâce à toi, la Vérité est en sécurité. L’ancienne foi survivra jusqu’au jour de sa révélation.
    —    Chacun de nous pourra enfin reposer en paix et trouver la Lumière, ajouta Jaume, la gorge ouverte d’une oreille à l’autre et la chemise rouge de sang.
    Le père Prelou, la chair calcinée, le visage en lambeaux, leva la main droite avec autorité et traça le signe de la croix dans les airs pour me bénir.
    —    In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti , mon fils, dit-il avec émotion.
    Ma gorge ne me fit pas mal. Je dévisageai le vieux prêtre et lui posai la question qui avait été le centre de ma vie depuis trois ans et qui me brûlait soudain les lèvres.
    —    Dieu m’accordera-t-il le salut, mon père ?
    —    Comment le saurais-je ? rétorqua-t-il en haussant les épaules. Mais tu as fait ce qu’Il attendait de toi et tu peux certes espérer.
    La mendiante, vieille, crasseuse et aveugle, s’avança à son tour, prit ma main droite dans la sienne et la tapota affectueusement.
    —    Une chose est certaine : tu es en meilleure posture aujourd’hui que tu ne l’étais jadis, Lucifer, caqueta-t-elle en m’offrant un sourire édenté. Tu as beaucoup lutté pour trouver le salut. Dieu saura reconnaître cela.
    —    Alors je peux enfin mourir ? menquis-je avec un ton plein d’espoir qui me surprit moi-même.
    Avant que la vieille ne puisse me répondre, une brillante lumière inonda la pièce et m’aveugla momentanément. Les autres s’écartèrent pour céder le passage à Métatron. Glorieux et transfiguré, l’archange se tenait devant moi dans sa robe immaculée. Ses cheveux blancs se drapaient élégamment sur ses épaules et sa crosse d’or scintillait. Ses yeux de feu étaient braqués sur moi.
    —    Dieu t’a confié une mission et tu l’as menée à terme, Gondemar de Rossal, déclara-t-il d’une voix sereine et dénuée de haine.
    Je notai que, pour la première fois, il ne m’appelait pas « Damné » et j’en conçus quelque espoir.
    —    Tu as préservé la Vérité et, dans son infinie mansuétude, Il t’en est reconnaissant, ajouta-t-il. Il t’accorde dès à présent le salut éternel et ne te demande rien de plus. Les portes te sont ouvertes et Il t’attend dans sa Lumière.
    Je sentis des larmes me monter aux yeux et se mettre à couler sur mes joues. J’avais tant rêvé d’entendre ces mots. J’avais terminé. Tout était accompli.
    D’un geste impatient, l’archange signifia aux autres de s’en aller. Un à un, ils reculèrent et semblèrent se fondre dans les murs jusqu’à ne plus être, sauf Montbard qui demeura en retrait.
    —    Tu peux mourir si tu le souhaites, ici et maintenant. À toi de décider, dit-il. Tout n’est désormais qu’une question de conscience.
    L’archange posa sa crosse sur mon épaule gauche, comme il l’avait fait jadis pour me marquer comme une bête de somme, et je sentis une douce chaleur pénétrer ma chair pour s’insinuer autour de mon cœur, prête à en interrompre les

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