Le Baptême de Judas
Payraud.
Sidéré, je ne comprenais pas comment ils se trouvaient là, mais le moment n’était pas à la réflexion. Je devais profiter de cette distraction inattendue. Je surpris l’homme qui me plaquait au sol en me relevant brusquement. Il se retrouva sur le dos et mon poing lui écrasa le gosier. Son visage s’empourprait encore, alors qu’il cherchait en vain à respirer, que je m’éloignais déjà de lui.
Je me précipitai vers le soldat qui tenait toujours Ugolin en joue et le plaquai à la hauteur des reins avant qu’il ne me voie venir. Il chuta lourdement sur le ventre et je lui abattis mon poing derrière la tête à quelques reprises. Dès qu’il fut inconscient, je m’emparai de son épée. Je me relevais pour trancher les liens du Minervois quand je sentis la pointe d’une arme s’appuyer entre mes omoplates. Je me retournai pour faire face à mon adversaire, mais m’arrêtai net.
Au milieu du tumulte qui nous enveloppait, Guillaume des Barres me regardait calmement du haut de son cheval. Il fit pivoter l’arme qu’il avait à la main et me la présenta par le manche. Je reconnus Memento.
— J’ai promis de te la rendre quand tout serait terminé, ditil assez fort pour se faire entendre. L’Église a les documents qu’elle voulait. Le reste n’est que cupidité de la part de mon demi-frère. Reprends ton arme et sauve celle que tu aimes. Tu n’as rien à craindre de moi, Gondemar.
Un peu abasourdi, j’acceptai l’épée que j’avais forgée jadis sous la direction de Ravier de Payns, alors que rien dans cette folle aventure ne me semblait avoir de sens. Les paroles du vieux sage me revinrent en tête. L’épée est l’instrument par lequel le mensonge et le Mal seront détruits. Tirée des Ténèbres de son fourreau, elle est la Lumière qui émane du Dieu du Bien et qui défend la Vérité. Tu la chériras désormais non pas comme un instrument de mort, mais de justice, une compagne fidèle et obéissante avec laquelle tu n’hésiteras pas à te lancer dans le trépas pour la Cause. Au bout du compte, la Vérité avait bel et bien été défendue. Il était juste que ma fidèle compagne me revienne.
Entre hommes d’honneur, les mots sont souvent superflus. Je hochai la tête pour remercier Guillaume et il me retourna tout aussi silencieusement mon salut. Puis il tira sa propre épée de son fourreau, fit faire demi-tour à sa monture et se lança à corps perdu dans la bataille.
Ugolin, les mains toujours liées, s’était placé devant Odon, lui faisant un bouclier de son corps. Il repoussait tant bien que mal un adversaire à coups de pied. En quelques enjambées, je me rendis derrière l’homme et lui détachai à moitié la tête, heureux d’avoir retrouvé l’irremplaçable sensation de tenir Memento en main. Puis j’empoignai mon compagnon par le bras et le fis pivoter pour trancher ses liens.
— Fonce dans le tas, mon gros ! criai-je pour me faire entendre dans le vacarme. Je m’occupe du petit !
Le Minervois ne se fit pas prier. Il ramassa l’arme du soldat que je venais de raccourcir, émit un bruit rauque qui tenait autant du rire que du cri de guerre et se lança avec enthousiasme dans la mêlée, frappant dans tous les sens tel un taureau en colère. Je le laissai à lui-même et m’occupai d’Odon. Je libérai le fils de Pernelle, m’assurai qu’il n’était pas blessé et repérai un cheval errant non loin de là. Je le saisis par la manche et l’y entraînai.
— Fuis ! ordonnai-je. Retourne auprès de ta mère !
— Mais. et vous ?
— Nous nous arrangerons ! Pars ! Maintenant !
À contrecœur, le garçon enfourcha la bête, l’éperonna et s’enfuit au galop. Je n’eus pas le loisir de le regarder partir. Un des hommes de Montfort surgit sur ma droite et je dus faire un pas vif vers l’arrière pour éviter d’être embroché. Emporté par son élan, il passa tout droit et se retrouva avec la lame de Memento bien enfoncée à la hauteur des reins. Je la retirai aussitôt et cherchai Cécile dans la tourmente.
Je la trouvai, toujours sous la garde de Montfort et de ses proches. Guy et Amaury se tenaient en retrait, pâles et tremblants de peur. Le chef des croisés, Pierrepont et Thury rivalisaient d’habileté et de hargne contre les templiers. Mais leurs hommes, malgré un nombre supérieur, cédaient petit à petit du terrain et tombaient les uns après les autres. Si le bougre voulait
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