Le Baptême de Judas

et leur influence indisposent toujours davantage les grands de ce monde. Le pape et les rois n’attendent que l’occasion de se débarrasser de ces chevaliers devenus encombrants. J’ignore si quelqu’un, au sein de l’Ordre, connaît encore la Vérité, mais si tel est le cas, l’Église pourrait en avoir vent et se remettre à la chercher. Et le combat reprendrait.
    J’ai vécu trop longtemps. Mes yeux ont vu plus d’horreurs qu’il est permis. Mon être est à jamais taché de sang et mon âme porte le poids de mes péchés. Lorsque la mort me réclamera enfin, je sourirai à nouveau et je l’accueillerai à bras ouverts. Je mesurerai, alors, si le salut est vraiment à la hauteur des sacrifices que Dieu exige de ceux auxquels il l’accorde.
    Et cognocentis veritatem, et veritas liberabit vos 1 , disait l’Évan-géliste. Malgré sa sagesse, le saint homme avait tort. La Vérité ne libère pas. Bien au contraire, elle réduit à l’esclavage celui qui la connaît et fera de son existence une amère prison dont il ne sortira qu’à sa mort. C’est le prix à payer pour empêcher le triomphe du mensonge. D’autres l’ont payé avant moi. D’autres le paieront encore après. Mais dans la souffrance et la douleur, chacun d’eux y trouvera une chance de salut.
    Gondemar de Rossal
    Cancellarius Maximus 
    Seizième jour de mai 1257

    1
    Alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. Jean 8,32.

Achevé d’imprimer en septembre 2011 sur les presses de Transcontinental-Gagné, Louiseville, Québec